L’évolution de notre environnement compromet-elle nos capacités à nous reproduire ? La dernière édition du Bulletin épidémiologique hebdomadaire apporte des éléments de réponse peu rassurants. Un constat d’abord : 15 à 25% des couples n’ont pas obtenu de grossesse un an après arrêt de la contraception. L’âge de plus en plus avancé des femmes au moment de leur désir de grossesse est souvent mis en cause. Mais l’explication est loin d’être aussi univoque. Une étude française a d'ailleurs récemment montré que l'horloge biologique tournait pour les hommes aussi à partir de 35 ans. Certains facteurs comportementaux interviennent également, comme le surpoids ou le tabagisme chez les 2 conjoints et la part environnementale semble importante notamment du côté masculin.
L’analyse d’échantillons issus du don du sperme montre une évolution à la baisse depuis les années 70. Chez ces hommes en bonne santé et déjà pères eux-mêmes, une décroissance de la qualité du sperme est observée. Il contient moins de spermatozoïdes et une proportion plus importante de spermatozoïdes non mobiles. Des variations ont été observées entre les différentes régions et confirmées par d’autres études dans le monde, ce qui oriente les spécialistes vers des facteurs environnementaux. Par exemple, les expositions professionnelles à certains pesticides, au plomb ou à des composés chimiques comme les éthers de glycol affectent les capacités reproductrices des hommes. Mais les méfaits de l’environnement peuvent commencer bien avant la vie professionnelle, dès la grossesse de leur mère, pendant le développement des organes génitaux du fœtus.
Pr Louis Bujan, Centre d’études et de conservation des œufs et du sperme (CECOS) de Midi-Pyrénées : « La spermatogénèse est très sensible dès le plus jeune âge »
Les effets environnementaux sont particulièrement difficiles à démontrer scientifiquement. La toxicologie, qui étudie les effets de l’exposition d’un organisme à un produit toxique voit ses concepts remis en question par ces perturbateurs présents dans notre environnement comme le bisphénol A. L’effet produit n’est visiblement pas proportionnel à la dose mais au contraire plus dangereux avec les faibles doses. Et les effets cumulés de plusieurs perturbateurs ne se résument pas à la somme des effets de chaque perturbateur.
Pr Louis Bujan : « Le défi qui nous attend c’est comprendre la multiexposition »
Les spécialistes plaident donc pour un effort de recherche soutenu qui permette d’identifier les produits toxiques dans notre environnement et de proposer des alternatives de substitution. Mais visiblement, il faudra attendre. L’appel à projets Santé-Environnement de l’Agence nationale de la recherche qui devait allouer des financements dans ce domaine a été suspendu fin 2011.