Surcharge de travail, pression administrative, charges financières, insultes, solitude… A chacune de ces raisons de burn out, un médecin s’allonge, une corde au cou, sur le trottoir opposé au ministère de la Santé. Ils sont une poignée à être venus manifester cde mardi sous les fenêtres de Marisol Touraine pour faire part de leur épuisement professionnel. Le rasemblement a été organisé par l’UFML, l’union française pour une médecine libre un mouvement né des « médecins pigeons » en octobre 2012 en opposition au « contrat d’accès aux soins » mis en place pour limiter les dépassements d’honoraires.
« Le burn out est une réalité qui n’intéresse pas les caisses d’assurance maladie, ni le gouvernement, qui ne cessent de nous encadrer et de nous pressuriser, a dénoncé le Dr Jean Marty, généraliste et président de l’UFML, qui estime que les nouvelles mesures prises par l’Etat et l’assurance maladie bouleversent la profession. Il s’oppose d’ailleurs à la généralisation du tiers payant, dont la concertation a démarré hier.
Ecouter le Dr Jean Marty, président de l’UFML. « Le médecin n’a plus la main sur son avenir. Cela aussi ça crée un mal-être et ça déséquilibre »
Si l’UFML pointe avant tout des problèmes politiques, le burn out des médecins est bien une réalité épidémiologique. Près d’un médecin sur deux serait dans un situation d’épuisement. Plusieurs enquêtes menées par des Unions régionales de médecins ont mis en évidence un taux de 40 à 45% de praticiens en burn-out. Le taux de suicide est d'ailleurs 2,37 fois plus élevé chez les médecins que dans les autres catégories d’actifs.
Autre signe inquiétant, les jeunes générations de médecins sont déjà touchées par le phénomène. « J’ai dirigé récemment dans le cadre de mes activités universitaires une thèse sur le burn out. Tous les internes de médecine générale ont été interrogés, indique le Pr Eric Galam, généraliste, qui a fondé en 2005, la première ligne d’écoute pour les médecins en souffrance (AAPML 0826 004 580). Et sur les 4000 qui ont répondu au questionnaire, la moitié est déjà en burn out. C’est grave car ce sont les médecins de demain. » Le professeur de médecine générale regrette que ce sujet ne soit pas véritalement abordé lors des études médicales.
Ecouter le Pr Eric Galam, généraliste et fondateur d’un réseau d’aide aux médecins.« Internes, libéraux, hospitaliers… les enquêtes confirment que la situation est tendue, voire très tendue ».
Les causes de cette souffrance
« La proximité avec la maladie, la mort donne une place à part au médecin, au soignant. Ce qui est au départ tout l’intérêt de ce métier, de la médecine, peut se transformer en cauchemar si les conditions de travail se dégradent », estime le Pr Eric Galam.
Cela conduit à une spirale infernale. « Le médecin est pris à son propre jeu de soignant, surenchérit le Dr Jean Marty. Il est écrasé par le poids professionnel, par le nombre d’heures, écrasé par le fait qu’il ne peut pas s’arrêter, il a choisi cette profession pour se donner aux autres, et tout cela l’amène à l’épuisement voire à des tentatives de suicide. »
Une étude récente confirme le diagnostic. La charge de travail est pour 46% des praticiens la principale cause d’épuisement professionnel, selon l’association “Parole de professionnels” qui a réalisé en septembre dernier une étude qualitative auprès de 120 médecins. La relation avec le patient pointe à la deuxième place (41%), juste devant les contraintes administratives (31%) et les problèmes de gestion du cabinet (15%).
La médecine n'est pas infaillible
Pour remédier à cette situation, plusieurs dispositifs se sont mis en place dans l’Hexagone comme l’association d’aide professionnelle aux médecins libéraux (AAPML) soutenue par l’ARS Ile-de-France ou l’initiative du Groupe Pasteur Mutualité qui offre des consultations de prévention à ses adhérents.
« Il faut aussi que les pouvoirs publics réorganisent mieux l’offre de soins et cessent de tout demander aux médecins, d’être des super coordonnateurs, des soignants high tech et des économistes…, souligne le Pr Galam. Dernier point, la relation médecin patient n’est pas encore parvenue à un point d’équilibre. « Le médecin n’est plus sur un piédestal, tant mieux, mais on accepte pas encore que le médecine ne soit pas toujours triomphale, que le médecin travaille avec l’incertitude, avec des risques calculés et assumés en partenariat avec le malade. »
Ecouter le Pr Eric Galam. « Nous sommes à l’adolescence d’une nouvelle médecine. »