« Je maintiens et j'accentue ce que j'ai écrit ! » Invité ce vendredi matin sur Europe 1, le Pr Philippe Even a répondu aux auteurs français d'une étude qui montrait que la polémique sur les statines ouverte par son livre pourrait causer 1159 décès et 4992 infarctus par an en France. Le pneumologue a balayé d'un revers de main le travail effectué par les cinq cardiologues en mettant en cause leur indépendance : « Mon travail est fondé sur 800 références, 200.000 malades pendant cinq ans. Cette étude est publiée dans une feuille de chou, le dernier journal de cardiologie du monde, le moins lu, le moins cité, cinq signataires inconnus, un professeur qui a de loin en cardiologie les liens d'intérêts les plus marqués avec l'industrie pharmaceutique. »
Des chiffres sous-estimés
Pourtant, d’après les auteurs de cette étude publiée dan les Archives of Cardiovascular Diseases, l’estimation de 1159 décès et de 4992 infarctus serait même plutôt une sous-estimation, étant donné que les participants ayant déclaré leur intention d’arrêter leur statine ne l’ont pas tous réellement fait. Contacté par pourquoidocteur mercredi, le Pr Philippe Even répondait que cette étude ne prouve rien. Le pneumologue campait sur ses positions quant à l’intérêt des médicaments contre le cholestérol.
Ecoutez le Pr Philippe Even, pneumologue : « Pour moi, ça change pas un iota ma position. C’est facile de dire qu’un monsieur est mort parce qu’il a arrêté un traitement, il aurait fallu prouver avant que le traitement est efficace. »
« Les statines : inutiles dans 98 % des cas » (Pr Philippe Even)
Toujours sur Europe 1, le Pr Even expliquait que, « en dessous de 3g/L de cholestérol, il n'y a aucune efficacité démontrée des statines. Au-dessus, on entre dans une autre maladie, l'hypercholestérolémie familiale. Là, il est possible qu'elles aient un effet, mais encore ce n'est pas démontré. Donc, dans 98 % des cas, elles ne servent à rien. » Et dans une déclaration au Point, le pneumologue a enfoncé le clou: « Je n'ai pas le sentiment d'avoir mis la santé de gens en péril. Au contraire, je suis heureux qu'ils aient arrêté le traitement », déclarait-il hier.
Les statines diminuent le risque d’événements cardio-vasculaires de 15 à 23 %
En France, les statines son prescrites à cinq millions de personnes. Ces molécules servent à faire baisser le taux de cholestérol et donc à prévenir le risque cardiaque. L’hypercholestérolémie est un facteur de risque cardiovasculaire fréquent : plus de 9 millions de Français sont concernés. Cette classe thérapeutique fait partie des médicaments les plus prescrits au monde.
En 2010, la Haute Autorité de Santé (HAS) publiait une nouvelle étude médico-économique centrée sur l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience (rapport coût/efficacité) des ces médicaments.
Pour l’agence sanitaire, « le traitement par statines diminue le risque de mortalité toutes causes d’environ 10% d’une part et le risque d’événements cardio-vasculaires de 15 à 23%, d’autre part. Plus le risque cardio-vasculaire initial des patients traités par statines est élevé, plus le nombre de décès évités sera important. » « Tout est faux dans ce message, a rétorqué le Pr Even au micro d'Europe 1. La HAS, a-t-il poursuivi, ce sont des commissions d'experts dont, en général, la moitié sont financées par l'industrie pharmaceutique. La Haute autorité de santé n'est ni haute, ni autorité ».
L'étude de l'agence sanitaire était pourtant nuancée sur l'intérêt des statines et apportait plusieurs bémols sur ces traitements dans ses conclusions. Certains effets indésirables liés à ces molécules étaient notamment pointés du doigt. Et selon la HAS, les statines sont « efficaces avec une efficience inégale en fonction du profil des patients. »