A quoi sont dues les douleurs du ventre ?
Les douleurs abdominales aiguës sont une des premières causes de consultation aux urgences. Les causes en sont très variées, englobant des maladies bénignes, qui sont majoritaires, comme de véritables urgences vitales.
Les causes les plus fréquentes chez l'adulte non gériatrique sont en effet des douleurs fonctionnelles ou virales.
Ces troubles fonctionnels sont à évoquer en l'absence de signes qui doivent orienter vers une pathologie organique (âge de plus de 50 ans, dégradation de l'état général, douleurs nocturnes, difficulté à avaler (« dysphagie »), hémorragie, anémie, fièvre, douleur typiquement biliaire ou pancréatique, signes péritonéaux tels que contracture ou défense...). Les troubles fonctionnels sont donc un diagnostic d’élimination.
Certaines causes sont en rapport avec des lésions graves de différents organes (perforations, infection,…) et elles imposent l’appel du SAMU et la prise en charge en urgence. Ces lésions concernent des organes à l’intérieur du ventre (la « cavité abdominale »), mais aussi en dehors de l’abdomen.
Quelles sont les douleurs du ventre qui ont une origine gastrique ou intestinale ?
• Les perforations intestinales sont des causes de douleur aiguë du ventre qui exposent à risque vital immédiat car elles font courir un risque infectieux généralisé à l’ensemble du péritoine (« péritonite ») avec un risque de choc infectieux.
• Les occlusions intestinales sont une cause assez fréquente de douleurs abdominales diffuses, souvent intenses. Elles s’associent à des signes d’irritation du péritoine (contracture, défense) en cas de perforation d’un segment de l’intestin qui est distendu au-delà de sa résistance.
• Parmi les causes d’obstruction intestinale, il faut individualiser le volvulus d’une anse intestinale qui correspond à une rotation d’une boucle de l’intestin sur elle-même. Dans ce cas, l’obstruction intestinale, avec le syndrome d’occlusion, s’associe à un blocage de la circulation sanguine, ou « ischémie d’origine vasculaire », qui va conduire à un infarctus de l’anse intestinale qui a tourné. Les douleurs sont généralement brutales, autour de l’ombilic (« péri-ombilicale ») quand c’est l’intestin grêle qui est touché.
• Par proximité, il faut évoquer les infarctus intestinaux, survenant chez le sujet âgé avec athérosclérose importante.
• L’appendicite est fréquente chez le sujet jeune et se traduit généralement par des douleurs de fosse iliaque droite (mais parfois l’appendice est en position « ectopique » et peut se manifester par des douleurs dans l’hypochondre droit, dans la région péri-ombilicale ou hypogastrique).
• L'adénite mésentérique consiste en une inflammation, généralement bénigne, des ganglions mésentériques, c’est-à-dire des ganglions qui sont au niveau du pédicule vasculaire des anses intestinales. Généralement d’origine virale et typiquement retrouvée chez l'enfant et l’adulte jeune, elle mime généralement une gastro-entérite mais peut parfois faire évoquer une appendicite ou une sigmoïdite.
• Chez le sujet plus âgé, une douleur de la fosse iliaque gauche avec un tableau proche de l’appendicite doit faire évoquer une sigmoïdite ou une diverticulite (tableau « d’appendicite gauche »), particulièrement en cas d’antécédents de diverticulose.
• Un abcès infectieux peut compliquer de nombreuses maladies, dans de multiples localisations.
• Un ulcère gastroduodénal ou une gastrite se manifestent par des douleurs très variables et peu corrélées à la sévérité des lésions. Les douleurs sont soulagées par les antiacides et il faut absolument éliminer une hémorragie ou une perforation.
• Un reflux gastro-œsophagien (RGO) ou une œsophagite peuvent se traduire par des douleurs épigastriques (« épigastralgies ») modérées à type de brûlures ascendantes vers la gorge (« pyrosis »).
• Les gastro-entérites sont très fréquentes mais la douleur abdominale est généralement au second plan car la diarrhée aiguë prédomine.
• Une douleur abdominale aiguë peut être une douleur qui récidive et il faudra alors évoquer une colite inflammatoire ou des causes plus rares (tuberculose intestinale, Whipple, sprue tropicale), surtout en cas d’anomalies biologiques et d’amaigrissement associé.
• Les hernies des anses intestinales à travers les orifices de la paroi abdominales (ombilic, anneau inguinal ou crural) peuvent donner des douleurs abdominales très variables, mais majorées à l’effort ou la toux si elles sont non compliquées et réductibles. Les douleurs deviennent très intenses et très localisées en cas de hernie étranglée.
Quelles sont les douleurs du ventre qui ont une origine hépatique, biliaire ou pancréatique ?
• Une lithiase des voies biliaires est révélée par une douleur de l'épigastre ou de l’hypochondre droit, irradiant vers l’omoplate droite. La douleur s’accompagne d’une inhibition à l’inspiration profonde et le malade bouge le moins possible pour ne pas déclencher sa douleur (« colique apathique »).
• Une cholécystite aiguë se présente de façon fort similaire, mais souvent avec une poussée fébrile modérée et un possible petit « ictère » (coloration légèrement jaune des conjonctives et de la peau).
• L’angiocholite est une infection des voies biliaires principales qui complique la lithiase biliaire : elle se manifeste par une triade (rarement complète) avec : douleurs (épigastrique ou hypochondre droit irradiant vers l’omoplate droite, inhibition à l’inspiration profonde), puis fièvre et ictère avec vomissements.
• La pancréatite aiguë est une douleur intense, transfixiante, principalement épigastrique et d’apparition rapide avec irradiation à l'épaule droite. Elle est augmentée par les repas et soulagée par l’antéflexion (« position de prière mahométane »).
• Certaines affections du foie peuvent se manifester par des douleurs de l’hypochondre droit. Il en est ainsi d’une hépatite aiguë qui est à suspecter en cas de douleur modérée de l'hypochondre droit et de jaunisse (« ictère »). En cas d’association à une altération de l’état général, il faut évoquer une étiologie toxique, herpétique ou auto-immune.
• Après un traumatisme, il est possible d’évoquer un hématome sous-capsulaire hépatique ou splénique (du foie ou de la rate) qui peut se révéler par des douleurs aiguës de l’hypochondre droit (foie) ou gauche (rate), augmentées à la palpation. La même présentation clinique peut révéler une tumeur, une infection (abcès du foie sur amibiase hépatique = gros foie (« hépatomégalie »), fébrile et douloureux après séjour en zone d’endémie amibienne ou une rupture de rate sur infection à CMV).
• Plus rarement, une douleur du ventre peut révéler une thrombose de la veine porte ou des veines sus-hépatiques (« syndrome de Budd-Chiari »). Dans ce dernier cas, il existe des douleurs de la région du foie (hypochondre droit) avec un gros foie (« hépatomégalie »), voire une jaunisse (« ictère »).
Quelles sont les douleurs du ventre d’origine gynécologique ?
• Chez la femme enceinte, l’examen gynécologique sera impératif pour éliminer une cause liée à la grossesse et, en particulier, une maladie du foie avec un HELLP syndrome (hémolyse, cytolyse hépatique et plaquettes abaissée = pré-éclampsie), un hématome sous-capsulaire ou une stéatose aiguë gravidique.
Mais d’autres problèmes sont associés à la grossesse : une infection du rein (pyélonéphrite), une nécrobiose de fibrome utérin, une appendicite (qui peut remonter du fait de la déformation liée à la croissance de l’utérus), une occlusion intestinale et une torsion de trompe.
• Chez la femme en dehors de la grossesse, il faut évoquer en priorité une grossesse extra-utérine (GEU) : il faut toujours y penser chez une femme en âge de procréer, même si elle est sous contraception.
Le dosage de la bêta-hCG est quasiment systématique dans ce contexte. De possibles signes de choc ou d’anémie aiguë sont retrouvés en cas rupture de la trompe.
Une perforation spontanée de l’utérus peut aussi être évoquée en cas d’endométrite dont elle constitue une complication rare. Elle se présente comme un abdomen aigu avec pneumopéritoine.
En cas de fièvre ou de syndrome septique on évoquera une infection d’une trompe (« salpingite »), de la paroi interne de l’endomètre (« endométrite ») ou une nécrobiose aseptique de fibrome.
Quelles sont les douleurs du ventre dont l’origine est dans la paroi postérieure de l’abdomen (origine rétro-péritonéale) ?
• Une des causes de douleur abdominale les plus dangereuses est la « dissection de l’aorte abdominale » chez l’homme de la quarantaine hypertendu ou la « rupture d'anévrisme de l'aorte abdominale » chez la personne de la soixantaine avec athérosclérose. Il s’agit d’une douleur abdominale « atroce », plutôt située à gauche, et qui irradie en arrière (douleur « transfixiante ») et en bas, ou qui est associée à une douleur lombaire aiguë.
• Une pyélonéphrite peut se révéler par des signes d'infection urinaire basse associés à une fièvre, des frissons et une dégradation de l'état général (« syndrome septique »). La douleur prédomine dans les flancs ou dans les fosses lombaires.
• Les calculs rénaux (« lithiases urinaires ») se manifestent généralement par une douleur lombaire intense à irradiation descendante vers l’avant et les organes génitaux externes. Le malade est typiquement très agité du fait de l’absence de position antalgique (« colique frénétique »).
• La rupture de vessie est très rare et survient en contexte particulier (après radiothérapie) : il s’agit d’une douleur abdominale intense dans la région hypogastrique avec épanchement intra-abdominal (« ascite ») et évolution vers un choc.
• Une infection urinaire basse (cystite) chez la femme peut se manifester par des douleurs de l’hypogastre associées à des brûlures en allant uriner (« miction »). Chez l’homme, cette infection s’associe généralement à une prostatite avec difficultés à uriner (« dysurie ») et fièvre, frissons, malaise… Il existe parfois une infection associée des bourses (« orchi-épididymite »). S’y associe une fréquente dégradation de l'état général. Le toucher rectal est douloureux et une infection urinaire est généralement associée.
• Une torsion testiculaire peut aussi se manifester initialement par des douleurs abdominales mais le diagnostic est redressé par l’examen de la bourse correspondante.
• Une rétention aiguë d’urine avec dilatation de la vessie (« globe vésical ») se manifeste par une douleur hypogastrique avec masse douloureuse à la palpation associée à la notion d’absence ou de faible émission des urines (« anurie/oligurie »).
• Une contracture du muscle psoas peut se manifester par des douleurs abdominales irradiant à l’aine lors de la contraction du psoas. Ces douleurs peuvent se rencontrer en cas d’hématome du psoas chez un malade sous anticoagulant ou souffrant d’un trouble de l’hémostase. Un abcès du psoas peut se rencontrer lors d’un syndrome infectieux.
Quelles sont les douleurs du ventre qui témoignent d’une origine extra-abdominales ?
• L’infarctus du myocarde et l’angor instable peuvent se révéler par des douleurs épigastriques. Il faut les évoquer en cas de survenue de la douleur à l’effort, d’oppression, d’irradiation de la douleur vers le thorax, le cou ou au bras gauche, en particulier s’il existe des antécédents ou des facteurs de risque cardio-vasculaires.
• Il en est de même pour l’inflammation des enveloppes du cœur (« péricardite »).
• Les embolies pulmonaires et pneumonies de la base des poumons peuvent rarement se révéler par des douleurs abdominales hautes, au niveau des hypochondres. Pour étayer le diagnostic, il faut rechercher la notion d’une gêne respiratoire (« dyspnée »), d’une fièvre, d’une toux, d’un crachat sanglant (« hémoptysie »), d’antécédents de phlébites et de maladies thromboemboliques, de signes de thrombose veineuse profonde aux membres inférieurs.
• Le botulisme est une maladie qui est devenue exceptionnelle, mais qui peut être évoquée devant un tableau typique chez des personnes qui consomment des conserves artisanales.
La présentation clinique associe à la phase aiguë (12-48 heures après l'ingestion du contaminant) des douleurs abdominales (tableau de gastro-entérite non fébrile), des signes ophtalmologiques (presbytie aiguë) et neurologiques (dysphonie, dysphagie). Il n'y a jamais de fièvre, ni de syndrome inflammatoire.
• Le syndrome de Maigne, qui est un dysfonctionnement de la charnière dorsolombaire, peut se manifester par des douleurs abdominales sans signe à l’examen de l’abdomen, mais reproduites lors de la mobilisation de cette charnière.
• Le même type de douleurs peut se voir à la suite d’un traumatisme dans le syndrome de Cyriax (traumatisme chondrocostal avec compression du nerf intercostal) : la douleur est alors réveillée à la pression des dernières côtes et augmentée à l’inspiration profonde.
• Une autre « douleur projetée » au ventre peut survenir en cas de fracture vertébrale après un traumatisme. Chez le sujet âgé, des fractures vertébrales ostéoporotiques peuvent survenir sans traumatisme apparent.
• Pour mémoire, une dystonie aiguë des neuroleptiques peut mimer un abdomen aigu avec contracture.
• La migraine abdominale est un diagnostic d’exclusion : fréquente et souvent méconnue, cette forme d'équivalent migraineux est exclusive aux enfants. Caractérisées par des épisodes paroxystiques de douleurs abdominales modérées à intenses durant 1 à 72 heures généralement diffuses ou mal localisées avec anorexie, nausées, vomissements, pâleur.
Quelles sont les causes générales à l’origine d’une douleur aiguë dans la région du ventre ?
Ces causes sont rares, mais certaines constituent également des urgences. Il faut les évoquer en fonction du contexte (antécédents personnels et familiaux) et devant des douleurs diffuses et intenses, avec éventuellement des signes de gravité, surtout si les examens d’imagerie sont normaux :
• Une décompensation d’un diabète peut mimer un tableau d’abdomen douloureux aigu avec d'éventuels troubles de la conscience.
Un diabète connu traité par la metformine évoquera facilement une acidose lactique.
• Une porphyrie aiguë intermittente peut se manifester par des douleurs abdominales (90 %), diffuses, continues ou à type de crampes, persistant pendant des heures, associées à des vomissements (60 %), une constipation (60 %) ou une diarrhée 8 %).
• Les intoxications au plomb sont des causes autrefois très fréquentes de douleurs abdominales aiguës associées à une constipation. La découverte d’une anémie peut faire évoquer le diagnostic.
• Une insuffisance surrénalienne aiguë dans le cadre d’une maladie d’Addison (« crise addisonienne ») peut se manifester par des douleurs abdominales d’intensité variable pouvant mimer un abdomen chirurgical, avec hypotension artérielle, déshydratation, nausées, vomissements, diarrhées, fièvre, troubles neuropsychiques.
Il faut également l’évoquer chez les personnes qui ont reçu des corticoïdes très longtemps et qui les ont arrêté ou chez qui survient un événement intercurrent.
• La « maladie périodique » ou « fièvre méditerranéenne » est une maladie héréditaire qui se retrouve plus fréquemment dans les familles de juifs sépharades originaires du Moyen-Orient. La présentation peut tellement bien mimer un abdomen aigu et fébrile que les malades sont souvent opérés plusieurs fois en l’absence de diagnostic.
• Au retour d’un voyage en pays tropical et en association à une fièvre, il ne faut pas hésiter à évoquer et rechercher un paludisme (frottis sanguins et goutte épaisse).
• D’autres infections généralisées sont responsables de douleurs aiguës : endocardite d’Osler, choléra, shigellose, salmonellose.
• Un œdème angioneurotique peut se manifester par des douleurs abdominales aiguës, parfois intenses, associées à des œdèmes ou un épanchements séreux à l’examen.
• Les maladies auto-immunes (« connectivites ») et les vascularites peuvent s’associer à des douleurs abdominales aiguës : péri-artérite noueuse, purpura rhumatoïde, lupus, cryoglobulinémie.
• D’autres maladies peuvent s’associer à des douleurs abdominales : hypercalcémie, hémolyse (« drépanocytose »), thyrotoxicose, hypertension intracrânienne, leucémie aiguë, hémophilie, zona pré-éruptif… et les autres causes d’acidocétose.