Les douleurs musculaires (« myalgies ») sont le plus souvent en rapport avec une activité musculaire excessive quand elles surviennent après celui-ci. Si elles surviennent au cours de l’effort, ou sans aucun effort, elles peuvent être le témoin d’une maladie du muscle ou liée à un virus, à la prise d’un médicament ou à une maladie plus complexe.
Tout le monde souffre occasionnellement de douleurs musculaires, surtout en prenant de l’âge.
Parfois la cause est évidente devant un contexte général évocateur, dans d’autrescas, les douleurs sont isolées ou associées à des signes discrets et peuvent être un mode d’expression, voire de révélation de nombreuses maladies, quelquefois rares. Ceci nécessite alors une véritable stratégie dans la démarche diagnostique, surtout que les douleurs chroniques s’associent, quelle que soit leur cause, à un retentissement psychoaffectif important qui complique l’analyse.
1. Le premier repère est de regarder si la douleur est localisée à un muscle ou un groupe de muscle et si elle est liée à un effort physique.
Dans ce cas, il faut évoquer une déchirure musculaire (ou « claquage ») en cas de douleur brutale apparaissant au cours de l’effort sur un muscle et ne disparaissant pas complètement à l’arrêt.
S’il s’agit d’un choc direct, on peut parler de contusion musculaire ou d’hématome musculaire.
Si la douleur apparaît à distance de l’effort sur un groupe musculaire sollicité par cet effort, il s’agira le plus souvent de courbatures (1 à 2 jours après l’effort).
Il peut s'agir également de crampes, en cas de contracture douloureuse d'un muscle ou d'un groupe musculaire.
2. En cas de douleurs musculaires diffuses, qu’elles apparaissent au cours de l’effort physique ou sans lien avec un effort physique, il faut évoquer une maladie musculaire générale (« myopathie ») : cela peut être une maladie inflammatoire auto-immune ou une maladie liée à la prise d’un médicament ou à un toxique ou un déficit enzymatique.
• En cas de syndrome inflammatoire, les maladies inflammatoires, musculaires ou générales, sont les premières à évoquer une myalgie. Les polymyosites subaiguës ou chroniques sont des atteintes musculaires inflammatoires qui surviennent surtout chez la femme entre 40 et 60 ans avec des douleurs musculaires modérées et fluctuantes, majorées ou déclenchées par la mobilisation des membres avec un déficit musculaire prédominant sur les racines. En cas d’atteinte cutanée associée périorbitaire, on parle de dermatomyosite.
Ces atteintes musculaires inflammatoires peuvent s’associer à d’autres signes auto-immuns : cutanés dans la sclérodermie (syndrome de Raynaud et rétraction de la peau sur les doigts = « sclérose ») ou le lupus (syndrome de Raynaud et éruption cutanées du visage), ou pulmonaires dans la connectivite mixte.
La maladie de Gougerot-Sjögren comporte des douleurs articulaires et musculaires diffuses associées à un « syndrome sec » (sécheresse de la bouche, des yeux et des muqueuses) qui est parfois difficile à différencier d’un syndrome polyalgique idiopathique diffus.
Enfin, d’autres maladies systémiques peuvent être impliquées dans les douleurs chroniques comme la maladie de Still et la périartérite noueuse avec leur fièvre élevée ou le syndrome de Shulman avec son taux de polynucléaires éosinophiles élevés dans le sang (« hyperéosinophilie »).
• En l’absence de syndrome inflammatoire, et en cas de douleurs des membres siégeant au niveau des muscles et déclenchées ou aggravées par l’exercice, il faut s’orienter vers des causes générales non-inflammatoires.
Les causes sont souvent médicamenteuses et provoquées par de nombreux médicaments dont les plus fréquents sont les hypocholestérolémiants (fibrates et statines), certains traitements des rhumatismes inflammatoires (D-pénicillamine, quelques anti-arythmiques…), le lithium et les corticoïdes à forte dose. Certains inhibiteurs de l’intégrase peuvent causer une fatigue et une faiblesse musculaire, soit le raltégravir, l’elvitégravir et le dolutégravir.
On peut en rapprocher les douleurs musculaires prédominant aux ceintures encas de déficit en vitamine D ou en cas de carence (« ostéomalacie »).
Il est également important d’écarter la possibilité d’acidose lactique, car ce problème peut être causé par certains analogues nucléosidiques, notamment la d4T.
Certaines polymyosites peuvent avoir une VS normale et c’est l’examen électrique des muscles (électromyogramme ou EMG) et la biopsie musculaire qui poseront le diagnostic.
L’hyperthyroïdie peut débuter par des myalgies extensives des bras et du tronc, à prédominance nocturne, et sensibles à la pression. De même, l’hyperparathyroïdie primaire peut être à l’origine de myalgies des ceintures. L’hypothyroïdie, à l’inverse, est plutôt responsable de douleurs musculaires (myalgies) diffuses avec arthralgies, comme l’insuffisance surrénale où les signes sont dépendant du degré d’hyperkaliémie.
Nombreuses sont les infections virales à donner des myalgies. La plus fréquente est sans conteste la grippe où le malade a l’impression d’avoir été « roué de coups ». Ces douleurs s’accompagnent d’une fièvre et d’une fatigue d’apparition brutale avec des maux de tête. Les hépatites A, B ou C s’accompagnent également de myalgies, de même des les infections à VIH ou à HTLV-1. En pays tropical, il faut évoquer une infection par un arbovirus : dengue, Chikungunya, virus Zika…
Une carence en acides aminés serait parfois la cause sous-jacente de la faiblesse musculaire. Le muscle se compose majoritairement de protéines, et toute protéine se compose d’acides aminés. Il s’ensuit donc que les déficits en acides aminés essentiels seraient susceptibles de causer la faiblesse musculaire. Les carences résultent parfois de la mauvaise digestion des protéines mais plus souvent de carence d’apport (anorexie mentale ou végétalisme) ou de traitements. La glutamine est un acide aminé non essentiel mais qui est souvent présente en quantité insuffisante chez les personnes vivant avec le VIH.
Certaines parasitoses sont à même de donner des myalgies généralisées, c’est le cas de la trichinose (ou « trichinellose ») qui est une parasitose que l’on peut attraper en mangeant de la viande de porc, de sanglier ou de cheval mal cuite : après des douleurs digestives et une fièvre apparaissent des douleurs musculaires diffuses de type inflammatoires avec œdème de la face et démangeaisons généralisées (« prurit »). Il existe une élévation des polynucléaires éosinophiles dans le sang (« hyperéosinophilie ») et une élévation des enzymes musculaires dans le sang (élévation des CPK).
• Enfin, certaines douleurs musculaires non-inflammatoires sont électivement déclenchées au décours immédiat d’un effort. Il est possible d’observer alors les marqueurs d’une destruction aiguë de cellules musculaires (« rabdomyolyse ») avec passage de protéines musculaires dans les urines (« myoglobinurie ») plus ou moins important. Il est également possible de retrouver un caractère familial.
Il en est ainsi des déficits enzymatiques des glycogénoses comme la maladie de Mc Ardle (déficit en myophosphorylase) ou la maladie de Tarui (déficit en phosphofructokinase).
D’autres déficits enzymatiques peuvent aussi être en cause comme le déficit en carnitine palmityl-transférase II, mais dans 50 % des cas de myoglobinurie, aucun déficit enzymatique n’est retrouvé.