La rougeur de l’œil est un signe que l’on retrouve dans un grand nombre de maladies. Il faut savoir distinguer celles qui ne compromettent pas la vision (hémorragie sous-conjonctivale, conjonctivite), de celles potentiellement graves (uvéite antérieure, kératite ou glaucome aigu).
En dehors de la douleur, qui est parfois intense, le principal risque de l’œil rouge est la perte rapide de la vision en cas de glaucome aigu par fermeture de l’angle, d’uvéite, de kératite herpétique ou secondaire à un zona ophtalmique. Il en est de même en cas d’œil rouge survenant après un traumatisme ou après une chirurgie.
La consultation chez le spécialiste (« ophtalmologue ») est urgente en cas de baisse de l’acuité visuelle.
En cas de traumatisme, la consultation chez l’ophtalmologue est systématique.
Les principaux signes de gravité qui doivent faire consulter un ophtalmologue en urgence en cas d’œil rouge sont :
• Une douleur qui touche l'œil, d’abord dans sa partie superficielle et en raison de la sensibilité particulière de cet organe, puis qui devient rapidement intense et semble concerner l'intérieur de l'œil et le crâne.
• Une baisse de la qualité de la vision (« acuité visuelle ») : la vision peut être réduite pour l'ensemble de l'œil ou pour une partie seulement, avec amputation du champ de vision.
• Un tonus oculaire élevé qui est très en faveur d’un glaucome à angle fermé en crise aiguë.
• Une pupille « aréactive », c’est-à-dire dont le réflexe à la lumière « réflexe photomoteur ») est aboli (elle ne se rétrécie pas à la lumière).
• Un cercle rouge violacé autour de la cornée qui traduit une atteinte des vaisseaux plus profonds et constitue un signe de gravité.
Devant tout œil rouge il sera d’abord nécessaire d’éliminer un traumatisme car la démarche diagnostic et thérapeutique sera totalement différente. Un traumatisme peut être à l’origine de différentes lésions de l’œil, souvent douloureuses et survenant dans le cadre de professions exposées. Un examen spécialisé en ophtalmologie avec un examen à la lampe à fente et mesure du tonus oculaire doit être systématique.
L’œil rouge est un signe d’appel peu spécifique qui peut correspondre à une simple conjonctivite comme à une urgence comme le glaucome aigu. Le diagnostic d’un œil rouge est donc complexe compte tenu de la multiplicité des causes possibles, mais il est néanmoins possible de s’orienter en fonction d’un certain nombre de paramètres assez simples (type de rougeur, douleur ou simple gêne et altération ou pas de la vision) qui sont à analyser rapidement :
• Quel est le type de la rougeur ? : en nappe homogène dans l’hémorragie sous-conjonctivale, diffuse en cas de conjonctivite (secondaire à une dilatation des vaisseaux conjonctivaux normaux), en secteur dans l’épisclérite ou « en cercle péricornéen » dans la kératite ou l’uvéite antérieure (vasodilatation concentrique à 360° des vaisseaux conjonctivaux limbiques).
• Y a-t-il une douleur ? : il faut séparer ce qui est une véritable douleur, d'une sensation de sable dans l’œil ou de brûlure ou de démangeaison (« prurit »).
• Y a-t-il une baisse de l'acuité visuelle ? (la qualité de la vision est-elle dégradée ?), de loin et de près.
• Comment est le tonus de l’œil ? : il y a urgence s’il est élevé (sensation d’un œil dur comme une bille par comparaison avec l’autre).
• Quel est l’aspect de la cornée ? : reflet brillant et transparence normale ou cornée claire dans la conjonctivite ou l’hémorragie sous-conjonctivale, mais cornée terne localisée dans la kératite ou terne globale, voire « glauque » dans le glaucome (œdème de la cornée).
• Et quel est l'état de la pupille (dilatée ou contractée ou aréactive).
Il est parfois nécessaire de demander des examens complémentaires pour poser le diagnostic comme un examen à la lampe à fente pratiqué chez un ophtalmologue en cas de traumatisme et un examen à la fluorescéine en cas de suspicion de kératite. Devant une hémorragie sous-conjonctivale, toujours penser à un corps étranger intraoculaire passé inaperçu : au moindre doute, demander des radiographies de l’orbite+++
En l’absence de baisse de la qualité de la vision et sans douleur vraie (simple gêne ou brûlure ou démangeaison), le traitement est généralement moins urgent.
• En casd’hémorragie sous-conjonctivale, une partie du blanc de l’œil peut devenir rouge vif, du fait d’une hémorragie localisée plus ou moins profondément : la coloration est le plus souvent brutale et homogène « en nappe », et n’est pas liée à la dilatation des vaisseaux conjonctivaux. L'acuité visuelle est normale, il n'y a pas de photophobie. L’hémorragie sous-conjonctivale résulte de la rupture d'un petit vaisseau sanguin et causeune rougeur intense habituellement peu douloureuse.
Il ne faut pas négliger de rechercher un corps étranger. Habituellement il n’est pas retrouvé de causes : elle peut survenir spontanément chez le sujet âgé ou à la suite d’efforts violents, en retenant sa respiration (« à glotte fermée »), responsables d'une hyperpression dans la veineuse cave supérieure (lors de la défécation en cas de constipation opiniâtre, lors d’un accouchement, lors d’une toux violente). Sa récidive doit faire rechercher une maladie qui pourraitla favoriser comme une hypertension artérielle, des troubles de la coagulation du sang, voire un diabète.
• En cas de conjonctivite, la rougeur est généralement due à la dilatation des vaisseaux sanguins à la surface de la conjonctive, fine membrane qui recouvre la partie antérieure de l’œil. L'acuité visuelle est peu ou pas modifiée, il y a peu ou pas de photophobie.
La conjonctivite se caractérise par une rougeur qui peut êtreassociée ou non à des picotements, à des démangeaisons, à un gonflement des paupières, à une douleur, à un écoulement de larmes ou de pus jaunâtre pouvant souder transitoirement les paupières au réveil, voire très rarement à une baisse de la vue.
Elle présente des caractères différents en fonction de sa cause : sécrétions purulentes abondantes en cas d’infection bactérienne, sécrétions moins abondantes, non purulentes, avec démangeaisons en cas d’infection virale, sécrétions bilatérales muco-purulentes et qui peuvent devenir chroniques en cas d’infection à chlamydiae. Il y a souvent un ganglion satellite en avant du tragus de l’oreille (« adénopathie pré-tragienne »). Dans la conjonctivite allergique, les antécédents d’allergie et de conjonctivite sont fréquents, la démangeaison est importante, avec peu de sécrétions, et il existe une notion de saisonnalité.
En cas de frottements intempestifs, cette conjonctivite allergique peut évoluer vers l’apparition brutale d'un œdème majeur de la conjonctive (« chémosis »), aussi bénin qu'impressionnant.
Dans les pays en voie de développement, une conjonctivite à Chlamydiae trachomatis non traitée peut aboutir à la cécité (« trachome »).
La conjonctivite est facilement diagnostiquée par le médecin ophtalmologiste, et traitée la plupart du temps par des gouttes dans les yeux.
• L’œil rouge peut être associé à une rougeur du bord libre de la paupière qui est inflammatoire en cas de blépharite. La rougeur de la paupière est accompagnée de la formation de croûtes, surtout le matin. Elle n'entraîne habituellement pas de baisse de la vision mais cause un inconfort prononcé de l'œil.
Les causes les plus fréquentes de la blépharite sont une augmentation de la production de sébum (matière lubrifiante habituellement sécrétée par des glandes près des cils) sur les paupières et une infection causée par une bactérie normalement présente sur la peau. La blépharite est souvent une maladie chronique.
• Très fréquente chez la personne âgée, l’insuffisance de sécrétion lacrymale (« sécheresse oculaire ») peut être responsable d’une rougeur oculaire associée à une sensation de grains de sable ou à des douleurs oculaires superficielles. Ces signes sont secondaires à une atteinte de l’épithélium conjonctival, associée ou non à une atteinte de la membrane de la cornée, par altération de la trophicité des cellules épithéliales. Il peut s’agir d’un problème lié au vieillissement et à l’environnement, ou à une maladie auto-immune (Syndrome de Gougerot-Sjögren ou polyarthrite rhumatoïde).
Le diagnostic est fait principalement par le test de Schirmer (qui quantifie la sécrétion lacrymale) et par le test au vert de Lissamine (colorant qui imprègne sélectivement les cellules épithéliales conjonctivales et cornéennes qui sont altérées).
• La kératite se caractérise par une douleur intense et une gêne à la lumière très intense (« photophobie ») qui amène la personne à l’éviter avec un « réflexe de protection » (la paupière a tendance à se fermer). L’inflammation siège sur la cornée, la petite membrane transparente à l’avant de l'œil. Les troubles qui l'accompagnent, comme la douleur ou l'importance des larmoiements, sont variables. Le risque d’une kératite infectieuse est que la vision soit dégradée à cause d’une cicatrice qui va altérer sa transparence, ce qui nécessite une consultation urgente.
La kératite est causée soit par une bactérie, soit par un virus (adénovirus peu grave ou herpès virus grave), soit, plus rarement, par une maladie auto-immune, qui touche l'ensemble de l’organisme (« maladie systémique »).
Un examen ophtalmologique en fluorescence révèle un ulcère aux bord découpés en « carte de géographie » en cas de kératite ulcéreuse herpétique.
Il faut absolument éviter toute application de corticoïde en ce cas sous peine d’une aggravation.
• En cas d’uvéite, ou « iritis », l’inflammation de l’iris entraîne habituellement une rougeur douloureuse intense de l'œil, accompagnée d'une baisse de la vision (baisse marquée de l’acuité visuelle). La cornée reste transparente, avec un reflet brillant et la pupille est contractée (« en myosis »). En cas de récidives, la pupille peut devenir irrégulière.
L'uvéite, ou iritis, peut être causée par des maladies auto-immunes, comme la spondylarthrite ankylosante et les spondylarthropathies.
• Dans le glaucome à angle étroit, il peut survenir une augmentation brutale de la pression à l'intérieur de l'œil en cas de fermeture de l’angle qui donne accès aux orifices de drainage des liquides de l’œil. Ceci provoque une rougeur de l'œil associée à des nausées et des maux de tête.
La douleur et la baisse de l’acuité visuelle dominent la présentation, avec une acuité inférieure à 1/20e, souvent réduite aux perceptions lumineuses, une douleur majeure oculaire, rétro-oculaire et péri-oculaire, décrite parfois comme des maux de tête (« céphalées ») diffus et si intenses qu'ils peuvent occasionner des nausées ou des vomissements.
La rougeur est intense, due à unecongestion marquée (« hyperhémie ») des vaisseaux conjonctivaux, avec un renforcement autour de la cornée : le « cercle périkératique ». La cornée a perdu sa transparence, elle apparaît « glauque ». La pupille est un peu dilatée (« semi-mydriase »), mais « aréactive » (pas de modification lors de la stimulation par la lumière). L'œil est dur, classiquement « comme une bille de bois » (on le palpe à 2 doigts à travers la paupière supérieure, regard en bas, en comparant avec l'autre œil ou son propre œil).
C'est une urgence ophtalmologique absolue (à traiter dans les 6 heures sous peine de séquelles graves).
• En cas d’opération récente ou chez un diabétique sévère, il est possible d’observer une endophtalmie, c’est-à-dire une infection par une bactérie qui siège à l’intérieur de l'œil. Cette infection grave met en danger la vision et elle doit être traitée d'urgence.
Dans la sclérite, l’inflammation siège au niveau de la « sclère », le « blanc de l'œil » et au niveau de la partie supérieure de cette membrane fibreuse blanche qui entoure l'œil (« l’épisclère »), en cas d'épisclérite.
L’œil présente une rougeur en secteur, associée à une douleur localisée. La rougeur, du fait de son siège profond, ne disparaît pas à l’instillation d’un collyre vasoconstricteur, comme le ferait au contraire une vasodilatation d’origine conjonctivale.
Dans 50 % des cas environ, la sclérite ou l’épisclérite résultent d'une maladie auto-immune sévère, comme une polyarthrite rhumatoïde évolutive ou une autre maladie de système.