Le « prurit » est une sensation de démangeaisons de la peau (ou des muqueuses) qui déclenche le besoin de se gratter. Il peut être en rapport avec des lésions de la peau ou du cuir chevelu ou exister en l’absence de toute lésion : c’est le prurit « sine materia ».
De nombreuses maladies de peau peuvent être responsables d’un prurit localisé, au moins au début de leur évolution.
• Les piqûres d’insectes (moustiques, puces, punaises, aoûtats…) ou les irritations au contact des végétaux (orties…) sont une cause fréquente de prurit saisonnier. Elles sont associées à des lésions « urticariennes », parfois centrées sur un point rouge violacé (« purpurique ») ou noir (« nécrotique »).
• Une cause fréquente de prurit localisé aux plis cutanés sont les mycoses de la peau : « candidoses » pour les grands plis (sous-mammaire, plis inguinaux…) et « dermatophytoses » (intertrigos des orteils, avec rougeur, démangeaisons allant jusqu’à la brûlure, petites vésicules et fissuration de la peau).
• Les démangeaisons du cuir chevelu doivent systématiquement faire rechercher une « pédiculose », c’est-à-dire la présence de poux avec les « lentes » qui sont accrochés aux cheveux.
Les autres causes de prurit du cuir chevelu peuvent être une intolérance aux produits capillaires et aux shampoings, une « dermatose séborrhéique » du cuir chevelu en cas de stress (avec grosses pellicules grasses prédominant à la lisière des cheveux) ou un psoriasis du cuir chevelu (avec grosses pellicules grasses de tout le cuir chevelu), ou un état pelliculaire simple (petites pellicules sèches de tout le cuir chevelu).
• Le prurit de la nuque associé à celui du cuir chevelu doit faire rechercher des poux, en particulier chez l’enfant.
• Un prurit à prédominance nocturne, parfois généralisé, mais surtout à la face antérieure du corps, prédominant aux espaces entre les doigts (« espaces interdigitaux »), aux poignets, aux emmanchures, mais aussi aux mamelons et aux organes génitaux externes, doit faire évoquer une gale, surtout s’il existe un caractère familial.
L’examen recherchera le « sillon scabieux » au niveau des espaces interdigitaux (petite lésion sinueuse, filiforme de quelques millimètres de long et correspondant au tunnel creusé par la femelle pour pondre ses œufs). Le sillon est parfois accompagné de petites vésicules perlées. Sur la verge ou le scrotum, il est possible d’observer un « chancre scabieux » qui correspond à des lésions papuleuses (petite élevure de la peau) et prurigineuses.
• Les démangeaisons de la vulve peuvent faire évoquer une mycose vaginale, le plus souvent à candida, et peuvent s’associer à des brûlures ainsi qu’à un prurit de l’anus.
• Les démangeaisons de l’anus peuvent faire évoquer des maladies de l’anus (fistules et fissures anales, en raison des écoulements qui leurs sont associés), une poussée d’hémorroïdes s’accompagne souvent de fortes démangeaisons de la zone anale, une infestation par un vers intestinal, des maladies de la peau de l’anus (eczéma de contact ou psoriasis anal), un vers intestinal, l’oxyure, peut donner de fortes démangeaisons à prédominance nocturne (c’est la nuit que la femelle de l’oxyure pond ses œufs sur la marge anale) et enfin, des maladies de l’intestin peuvent donner des démangeaisons anales (infection digestive à candida ou même cancer digestif).
• Les parasitoses tropicales sont à évoquer systématiquement après un séjour en pays d’endémie et doivent faire rechercher une élévation des globules blancs de type éosinophiles dans le sang (« hyperéosinophilie ») : onchocercose, loase, filariose, bilharziose…
Avec l’ankylostomiase et l’anguillulose, il est possible d’observer un syndrome de « larva migrans » : éruption prurigineuse migratrice en forme d’ondulations (« serpigineuse ») des zones de la peau en contact avec le sol (mains, pieds, fesses).
• Dans certains cas, il peut s’agit d’un « prurit psychogène » mais c’est un diagnostic d’élimination.
Les maladies dermatologiques s’accompagnant d’un prurit sont nombreuses et l’analyse de la lésion cutanée y est essentielle au diagnostic, en essayant de trouver des lésions qui n’ont pas été modifiées par le grattage.
• En cas de petites lésions pleines, en relief, et de coloration variable (« papule »), fugaces, migratrices et récidivantes, il faut évoquer un urticaire dont les causes sont extrêmement nombreuses.
Un « dermographisme » peut être présent : il s’agit d’une strie urticarienne induite par le grattage. Son traitement est celui de l’urticaire.
• Des plaques ou des nodules prurigineux, de couleur marron, peuvent faire évoquer une mastocytose cutanée qui est une infiltration de la peau par des amas de mastocytes et qui peut s’associer à des atteintes dans tout le corps.
C’est le signe de Darier qui pose le diagnostic : le frottement de la lésion provoque l’apparition rapide d’un œdème avec rougeur (« érythème ») et parfois d’un prurit qui signe la libération d’histamine par les mastocytes.
• Une papulo-vésicule fait évoquer un « prurigo strophulus » chez l’enfant, qui est une hypersensibilité aux piqûres d’insectes et qui siège au niveau des zones découvertes. Chez l’adulte, il faut évoquer un prurigo nodulaire devant des nodules fermes à surface lisse ou verruqueuse ou excoriée siégeant sur la face postérieure des avant-bras et des cuisses.
• Des vésicules disséminées sur tout le corps, très prurigineuses doivent faire évoquer une varicelle chez l’enfant et l’adulte jeune. Les vésicules s’associent généralement à une fièvre et apparaissent par poussées successives ce qui fait cohabiter des lésions de la peau d’âge différent : papules, vésicules et vésicules ombiliquées. Les vésicules peuvent être observées dans le cuir chevelu.
• Si les vésicules sont plus localisées, il est possible d’évoquer un eczéma de contact où la vésicule est excoriée par le grattage avec un suintement et des bords émiettés.
Chez le nourrisson, en cas de siège au visage et aux plis de flexion, il faut évoquer une dermatite atopique.
• En cas de bulles, il faut penser à une dermatite herpétiforme qui siège principalement sur la face d’extension des membres.
Chez le sujet âgé de plus de 70 ans, devant des bulles siégeant sur une base érythémato-papuleuse, il faut évoquer une pemphigoïde bulleuse.
• Le mycosis fungoïde ou « lymphome cutané T épidermotrope » consiste en des placards érythémateux et squameux, prurigineux, survenant chez le sujet âgé. L’évolution se fait vers une infiltration de la peau avec des squames peu épaisses et un prurit important et insomniant.
Le syndrome de Sézary est la forme érythrodermique et leucémique du mycosis fungoïde.
• Devant une dermatose généralisée « érythémateuse » (de couleur rouge) et « squameuse » (avec des squames) ou suintante, avec une altération de l’état générale, il faut évoquer un eczéma, un psoriasis, qui est prurigineux dans plus de la moitié des cas, ou un lymphome cutané.
• Quand les lésions sont multiples et polymorphe, il faut évoquer une réaction à un médicament (« toxidermie »).
En dehors de la femme enceinte et du sujet âgé qui seront traités à part, les démangeaisons sans signes cutanés doivent faire évoquer de nombreuses maladies que nous présenterons par ordre de fréquence.
• De très nombreux médicaments sont capables de provoquer un prurit et c’est la cause qu’il faut rechercher en premier.
Le plus souvent, les médicaments provoquent les démangeaisons via une cholestase hépatique (rétention des sels biliaires) : les sulfamides hypoglycémiants, la rifampicine, les androgènes et les estro-progestatifs sont les plus souvent en cause, mais d’autres médicaments plus banals comme les anti-inflammatoires non-stéroïdiens, les antiépileptiques, les macrolides peuvent provoquer cette cholestase, le plus souvent associée à une cytolyse.
Certains médicaments (rétinoïdes, hypolipémiants, diurétiques) provoquent une sécheresse cutanée (« xérose ») à l’origine du prurit.
Les opioïdes peuvent provoquer une histamino-libération non-spécifique.
Un mécanisme immuno-allergique est paradoxalement plus rare, même s’il est très fréquemment évoqué : il peut s’agir d’une hypersensibilité immédiate IgE dépendante (urticaire à la pénicilline) ou retardée.
• L’insuffisance rénale chronique, en particulier au cours de la dialyse, peut s’accompagner d’un prurit rebelle qui est d’origine plurifactorielle (anémie, hypercalcémie, sécheresse cutanée, augmentation de l’urée…).
Le prurit s’est amélioré avec les progrès de la dialyse. Il peut être soulagé par la photothérapie et disparaît après la greffe.
• La rétention des sels biliaires ou « cholestase » est une cause importante de prurit généralisé. La cholestase peut survenir avec ou sans jaunisse (« ictère ») mais plusieurs problèmes peuvent provoquer la cholestase.
Il s’agit de cholestases intra-hépatiques (le prurit est souvent révélateur dans la cirrhose biliaire primitive) ou extra-hépatiques (le prurit est souvent insomniant dans le cancer des voies biliaires ou le cancer de la tête du pancréas).
• Tout prurit nu et chronique chez un adulte jeune doit faire évoquer et rechercher une maladie de Hodgkin car le prurit y est fréquent et parallèle à l’évolution de la maladie.
Dans la polyglobulie de Vaquez, le prurit survient au contact de l’eau, surtout en cas de bain chaud.
Les leucémies lymphoïdes chroniques et les anémies ferriprives sont des causes plus rares de prurit.
• Les maladies de la thyroïde, et en particulier l’hyperthyroïdie de la maladie de Basedow sont associées à un prurit généralisé.
Dans l’hypothyroïdie, le prurit est probablement du à la sécheresse de la peau.
Le diabète ne donne pas vraiment un prurit, mais plutôt des paresthésies douloureuses.
• Les parasitoses internes avec migration tissulaire et hyperéosinophilie peuvent être responsables de prurit sans éruption cutanée (cysticercose, hydatidose, échinococcose, anguillulose, distomatose, ascaridiose, toxocarose et trichinose). Il faut y penser en cas de prurits associés à des éruptions cutanées fugaces et non spécifiques.
• Le prurit est exceptionnellement d’origine paranéoplasique, ce qui ne justifie pas une recherche systématique en l’absence de signe d’orientation.
• Des facteurs d’environnement peuvent déclencher un prurit comme des irritants (agents végétaux, laine de verre, produits antiseptiques mal rincés…), des variations de température ou d’humidité.
• Enfin, certaines maladies neurologiques peuvent donner un prurit (lésions cérébrales ou médullaires dans la sclérose en plaques ou le zona…).
Une rétention de bile à l’intérieur du foie (« cholestase intra-hépatique ») peut survenir au cours d’une grossesse avec un prurit généralisé, sévère et nu, qui est généralement confirmé par une élévation conjointe des transaminases et des sels biliaires sanguins dans le sang.
Le prurit est souvent multifactoriel, en particulier chez le sujet âgé, où l’on décrit un prurit « sénile » qui associe souvent une sécheresse de la peau (« xérose »), la prise de différents médicaments (aspirine…), ainsi que des altérations des terminaisons nerveuses. Ce prurit est particulièrement gênant pour le sommeil (« insomniant ») et peut retentir sur l’état psychique.
De fortes démangeaisons peuvent s’accompagner de lésions de grattage qui risquent ensuite de se surinfecter avec des bactéries présentes normalement à la surface de la peau (streptocoques, staphylocoques…) et donner des « abcès » ou un « impétigo ».
Un diagnostic, s’il n’est pas mené à son terme peut passer à côté de causes rares, mais graves, comme un lymphome ou une leucémie.