Les addictions sont des maladies neuropsychiatriques chroniques définies par une dépendance à une substance, ou une activité (jeux, sexe…). Elles conduisent à des modifications dans le cerveau et en particulier du « circuit neurologique de la récompense ». Les études soulignent également l’importance du système opioïde endogène dans l’addiction et ouvrent des perspectives thérapeutiques.
Des mots pour les maux
Les « substances psychoactives » sont consommées pour leur effet immédiat sur les perceptions, l'humeur et le comportement.
Ces effets varient selon les substances, les quantités, la fréquence et la durée des consommations et sont aussi modulés par des facteurs individuels et environnementaux.
En raison des nombreux risques immédiats et à long terme que leur consommation entraîne, les substances psychoactives ont un usage réglementé (alcool, tabac, médicaments psychotropes...) ou interdit (cannabis, héroïne, cocaïne, ecstasy...).
Une addiction est une maladie neuropsychiatrique chronique définie par une dépendance à une substance psychoactive ou à une activité, avec des conséquences délétères pour la vie de la personne et le fonctionnement normal de son cerveau.
Les addictions les plus fréquentes concernent le tabac (nicotine) et l’alcool. Viennent ensuite le cannabis, puis les opiacés (héroïne, morphine), la cocaïne, les amphétamines et les dérivés de synthèse (« nouveaux produits de synthèse »). Il existe également des addictions liées à des activités (et non à des substances), comme les jeux d’argent, les jeux vidéo, le sexe ou encore les achats compulsifs.
L’installation d’une dépendance implique au moins trois phénomènes et une vulnérabilité génétique.
Les phénomènes consistent en une augmentation de la motivation à consommer la drogue (recherche de plaisir), un état émotionnel négatif (recherche d’un soulagement) et une diminution de la capacité à se contrôler (perte de contrôle de la consommation). La vulnérabilité d’origine génétique dépend de modifications de plusieurs gènes qui expliquent les différences individuelles de réaction aux drogues.
L’addiction démarre donc essentiellement à cause du plaisir généré par la substance ou l’activité addictive. Mais cette sensation est en rapport avec des modifications électriques et chimiques provoquées par la substance au sein de différents circuits neuronaux, dans le cerveau. La drogue peut interférer avec les molécules chargées de la transmission de l’information entre les neurones (les « neurotransmetteurs ») ou avec leurs récepteurs.
La drogue, ou l’activité, addictive peut interférer avec les molécules chargées de la transmission de l’information entre les neurones (les « neurotransmetteurs ») ou avec leurs récepteurs.
L’addiction dépend donc du plaisir généré par la substance (ou l’activité) addictive, plaisir qui est déclenché par des modifications du fonctionnement électrique et chimique du cerveau. Le cerveau est en effet un ordinateur très compliqué et évolutif, dont les « circuits » sont composées de cellules nerveuses (« neurone ») qui sont branchées les unes avec les autres à travers des « synapses » : on parle de « réseaux neuronaux ». Chaque réseau étant spécialisé dans une fonction.
Au niveau de l’articulation entre chaque neurone, la « synapse », la transmission de l’information se fait par le biais de substances chimiques (les « neurotransmetteurs »). Le long de chaque neurone, la conduction de l’information se fait sous forme électrique.
Tous les phénomènes au sein des « circuits neuronaux » du cerveau ne sont pas parfaitement connus mais une libération de dopamine, le « neurotransmetteur du plaisir et de la récompense », est principalement observée. Et cela est en particulier vrai dans le « noyau accumbens », qui appartient au circuit de la récompense. Les recherches récentes tendent à suggérer que la régulation de cette libération de la dopamine est régulée par un système associant d’autres neurotransmetteurs, l’acétylcholine et le glutamate.
Mais à cette libération de dopamine, s’ajoutent d’autres mécanismes, notamment la libération de sérotonine, ou encore l’activation des récepteurs aux « endorphines », des molécules qui sont naturellement dans le cerveau (molécules « endogènes ») et qui sont impliquées dans la lutte contre la douleur et dans la sensation de bien-être (« endorphines »). Différentes études génétiques démontrent, en effet, le rôle central du système opioïde endogène pour certaines composantes des processus addictifs induits et ce rôle serait commun à l’ensemble des drogues.
Ainsi, les récepteurs opioïdes « mu » seraient directement impliqués dans les propriétés « renforçantes » des opiacées, de l’alcool, de la nicotine, des cannabinoïdes, et peut-être aussi des psychostimulants. Ces récepteurs « mu » sont également responsables de la composante physique de la dépendance induite par les opiacées et jouent un rôle important dans la dépendance physique suscitée par les cannabinoïdes et la nicotine. Les récepteurs opioïdes « delta » pourraient jouer un rôle complémentaire à celui des récepteurs « mu » et participeraient à la modulation des effets « renforçants » des opiacés de l’alcool, de la nicotine, mais aussi des psychostimulants.
En cas de consommation régulière de drogue, la stimulation répétée de ces différents récepteurs entraîne une diminution de la production naturelle d'endorphines. Dès lors, le plaisir n’est plus obtenu que par l'apport de la substance extérieure, ce qui induit une augmentation de la tolérance à la drogue et un phénomène de « manque » dès l'arrêt de sa consommation.
Enfin, des stimuli associés de manière répétée à la consommation de drogue (« conditionnement »), comme un lieu ou un moment de la journée toujours identique, peuvent à terme activer la libération de dopamine avant même la prise de la drogue. C’est ainsi qu’une « dépendance psychique » peut se créer, par exemple le besoin d’une cigarette au moment du café. Ce phénomène peut expliquer comment des signaux de l’environnement (publicité, bar, odeur d’alcool) peuvent déclencher une rechute même après une longue période d’abstinence.
L’observation par IRM fonctionnelle du cerveau de personnes dépendantes montre une « hypoactivation des régions corticales frontales » et une « hyperactivation des régions impliquées dans la motivation, la mémoire, le conditionnement et les émotions ». Mais il n’est pas clairement établi si cette dérégulation fonctionnelle est une prédisposition qui précède le développement de l’addiction, ou si elle résulte simplement de la consommation chronique de drogue.
Les dépendances peuvent survenir à tout moment de l’existence, mais la période de 15 à 25 ans est la plus propice à leur émergence. Dans l’ensemble, les hommes sont plus souvent concernés par les addictions que les femmes. Les comportements à risque des adolescents et des jeunes adultes facilitent les premières expériences. Surtout, l’usage précoce de drogues sur un cerveau en cours de maturation expose à un risque accru de modification des circuits neuronaux et d’apparition de la dépendance et d’une addiction.
Parmi les signes communs à toutes ces addictions, on trouve systématiquement la « perte de contrôle de soi », « l’interférence de la consommation sur les activités scolaires ou professionnelles » et la « poursuite de la consommation malgré la prise de conscience des troubles qu’elle engendre ». D’autres mécanismes consolident l’addiction : l'organisme devient peu à peu moins sensible à la substance et à ses effets, le consommateur doit accroître les doses pour obtenir le même niveau de plaisir. La prise répétée de drogue modifie les réseaux neuronaux dans le cerveau et perturbe la recherche du plaisir. Le réseau dopaminergique s’emballe et provoque un besoin incessant de plaisir.
La survenue d’une addiction repose sur trois composantes : l’individu, le produit et l’environnement.
• Chaque individu est plus ou moins vulnérable à une addiction et une part de cette vulnérabilité est d’origine génétique. Elle reposerait sur des associations variées de modifications concernant de nombreux gènes, chaque modification étant à elle seule non déclenchante. Parmi ces gènes concernés, certains sont impliqués dans le système dopaminergique ou dans le système opioïde.
Pour une drogue donnée, ces variations génétiques expliquent aussi en partie la variabilité des effets ressentis par chaque personne. Chez certaines personnes, des sensations agréables et des effets positifs sur le fonctionnement psychique (désinhibition, oubli des problèmes, amélioration des performances cognitives…) seraient une incitation à renouveler la prise de drogue. Les personnes souffrant d’anxiété, ayant un caractère introverti ou encore une tendance dépressive, pour lesquelles les psychotropes, et en particulier l’alcool, vont améliorer le fonctionnement psychique, ont un risque accru de dépendance. C’est également le cas chez des personnes avides de sensations fortes.
Enfin, l’âge de début de consommation joue également un rôle. L’initiation précoce est responsable d’une vulnérabilité accrue, probablement en raison des modifications des circuits neuronaux du cerveau. Commencer à consommer de l’alcool au début de l’adolescence multiplie par dix le risque de devenir alcoolo-dépendant à l’âge adulte, par rapport à une initiation plus tardive vers l’âge de 20 ans.
• Certaines substances semblent avoir un pouvoir addictif supérieur à d’autres compte tenu de la proportion de personnes dépendantes parmi leurs consommateurs. Le produit le plus addictif serait le tabac (32 % des consommateurs sont dépendants), suivi par l’héroïne (23 %), la cocaïne (17 %) et l’alcool (15 %).
La vitesse d’installation de la dépendance varie également en fonction des substances : les dépendances au tabac, à l’héroïne et à la cocaïne peuvent se développer en quelques semaines, alors que celle à l’alcool est beaucoup plus lente. Parmi les jeux vidéo, ceux en réseau sont réputés être les plus addictogènes, particulièrement les jeux de rôle multi-joueurs.
• Enfin, des facteurs environnementaux sont également impliqués, notamment la disponibilité du produit et « l’exemplarité » du milieu : le principal facteur de risque de dépendance au tabac est d’avoir grandi au sein d’un foyer de fumeurs, ce qui facilite l’accès au tabac. De même que l’addiction au cannabis est fortement associée au fait d’avoir eu des amis fumeurs au moment de l’adolescence.
Lorsqu’elles ne sont pas soignées, les addictions peuvent avoir des conséquences sévères, voire tragiques.
• Les conséquences graves peuvent être immédiates et directement liées à la consommation excessive de la substance : « overdose », coma éthylique, accident, violence.
Une overdose est la prise, accidentelle ou non, d'un produit en quantité supérieure à la dose limite supportable par l'organisme. Ceci modifie l’équilibre intérieur et provoque différents signes et peut aller jusqu’à la mort de la personne.
Il a été démontré que la conduite après consommation de drogue multiplie par 8,5 le risque d’être responsable d’un accident mortel. Si le conducteur a également consommé du cannabis, ce risque est multiplié par 15.
• Les complications peuvent être provoquées à long terme par les effets secondaires : nombreux cancers associés à la consommation d’alcool et de tabac, maladies cardiovasculaires et respiratoires, contamination par le VIH et les hépatites, troubles neurologiques et psychiatriques des consommateurs réguliers de drogue.... Par ailleurs, l’usage répété de drogues favorise les troubles cognitifs (difficultés de concentration, d’expression ou de mémorisation, par exemple) qui peuvent altérer les résultats scolaires ou professionnels, voire progressivement entrainer une déscolarisation ou un licenciement et une marginalisation. A terme, une addiction sévère non soignée aboutit le plus souvent à l’isolement, la désocialisation et la paupérisation.
• D’autres conséquences à long terme sont encore mal connues, en particulier l’impact d’une consommation d’alcool et de cannabis au moment de l’adolescence sur le développement du cerveau et son fonctionnement chez l’adulte. Pendant cette période (jusqu’à l’âge de 20-25 ans), le cerveau est encore en maturation et paraît plus vulnérable aux effets toxiques. En outre, il a été constaté que plus la consommation est précoce, plus le risque de développer une addiction sur le long terme augmente.
Qu’elles soient licites ou illicites, les drogues psychoactives ont une action sur l’organisme et particulièrement sur l’activité des neurones du système nerveux central.
• Les hallucinogènes sont des substances chimiques psychotropes qui provoquent des hallucinations, c’est-à-dire des altérations des perceptions et de la cohérence de la pensée : champignons hallucinogènes (Psilocybe), LSD (acide lysergique), mescaline, kétamine.
• Le cannabis (marijuana, haschisch, concentré de tétrahydrocannabinol ou THC) est plutôt un perturbateur, comme les solvants, mais à forte dose, le THC est hallucinogène.
• Les stimulants sont des substances qui augmentent l’activité du système nerveux et du fonctionnement du corps. Ils accélèrent également le rythme cardiaque et la fréquence respiratoire et augmentent la pression artérielle. Ils peuvent provoquer un sentiment d’euphorie et, à forte dose, ils peuvent également être à l’origine d’hallucinations : cocaïne, crack (dérivé fumable de la cocaïne), amphétamine, ecstasy (dérivée des amphétamines), mais aussi les antidépresseurs IMAO, le tabac, la caféine, le khat, le bétel, la noix de cola...
• Les narcotiques ou dépresseurs du système nerveux central sont des substances chimiques analgésiques dérivées de l’opium ou chimiquement apparentées, capable de provoquer un état de somnolence. Ces substances extrêmement addictives peuvent rapidement engendrer une toxicomanie : opiacés (opium, morphine, héroïne, oxycodone, fentanyl…). S’en rapprochent les barbituriques, les neuroleptiques, les tranquillisants (benzodiazépines).
• L’alcool produit sur les structures nerveuses des effets sédatifs et anxiolytiques proches de ceux des tranquillisants. Il agit sur le circuit de la récompense au niveau des récepteurs à GABA (Acide gamma-aminobutyrique) des cellules à dopamine et accroît la libération de dopamine. Il provoque ainsi un effet quasi immédiat de désinhibition, proportionnel aux doses absorbées (perturbation des réflexes, ivresse).