Une carence en vitamine D est responsable d’une maladie osseuse : le rachitisme chez l’enfant et l’ostéomalacie chez l’adulte. Ce sont deux formes d’une même maladie du tissu osseux caractérisée par un retard de minéralisation de l’os avec diminution de sa résistance. L'ostéomalacie doit faire partie des diagnostics à évoquer devant des douleurs diffuses mal étiquetées. Un déficit en vitamine D est, en revanche, très fréquent en hiver en Métropole, du fait de la moindre exposition au soleil, en particulier chez les personnes à peau noire.
Des mots pour les maux
Une vitamine est une substance organique nécessaire à la vie qui n’est pas produite par l’organisme ("de façon endogène") et doit donc être apportée dans l’alimentation.
L'ostéomalacie correspond à une carence en vitamine D qui est caractérisée par un trouble diffus de la minéralisation des os du squelette. Au niveau de l’os, cela conduit à l'accumulation de matrice osseuse nouvellement formée et non minéralisée avec un aspect « d’os mou ».
L'ostéomalacie affecte le squelette de façon diffuse et le fragilise, avec survenue de fractures ou de fissures osseuses spontanées, localisées principalement aux côtes, au bassin et aux membres inférieurs.
Les causes des ostéomalacies sont de trois grands types.
La première, la plus fréquente, est un trouble du métabolisme de la vitamine D à quel que niveau que ce soit (foie, intestin, rein) = c’est la carence vitaminique qui représente la cause la plus fréquente d'ostéomalacie.
La deuxième est une fuite rénale de phosphates qui peut être acquise ou héréditaire (anomalie du métabolisme du Fibroblast growth factor 23, une hormone d'origine osseuse qui contrôle l'excrétion urinaire du phosphate).
Enfin, il existe des causes rares liées à une altération locale du processus de minéralisation osseuse.
La vitamine D est une vitamine liposoluble qui est fabriquée à partir d’un précurseur apporté par l’alimentation et est absorbée via l’intestin, en particulier au niveau de l'intestin grêle distal ou iléum. Elle est stockée dans le foie, puis peut être transformée à la demande, au niveau de la peau et du rein, en formes métaboliquement plus actives.
Il existe donc différentes formes de vitamine D.
La vitamine D3, ou cholécalciférol, est apportée par l’alimentation (protéines animales) et fabriquée par la peau lors de l’exposition au soleil (céréales et produits laitiers, huile de foie de poisson, poissons gras, jaune d’œuf).
La vitamine D2, ou ergocalciférol, est apportée par de nombreux aliments végétaux (plantes levures).
Les vitamines D2 et D3 sont transformées dans le foie en calcifédiol (25-OH-cholécalciférol. Celui-ci est transformé dans les reins en calcitriol, ou 1-25-OH-vitamine D qui est la forme la plus active de la vitamine D.
La vitamine D joue un rôle majeur dans l’absorption et la physiologie du calcium et du phosphore (métabolisme phosphocalcique). Elle augmente l’absorption intestinale de calcium et de phosphore et permet la réabsorption de ces minéraux au niveau du rein. Elle stimule les ostéoblastes (24-25-OH vitamine D), les cellules osseuses chargées de la formation d’os, mais aussi les ostéoclastes (1-25-OH vitamine D).
Une bonne concentration de vitamine D dans le corps est très importante pour le maintien d’un bon équilibre phosphocalcique et d’une concentration optimale du calcium dans le sang avec son effet direct sur la minéralisation optimale des os et des dents, la contraction musculaire et la transmission nerveuse.
Mais la vitamine D aurait également un rôle plus général, au-delà de sa participation à la régulation du métabolisme phosphocalcique. Elle serait impliquée dans la régulation hormonale (insuline, hormones hypophysaires…) et la différenciation et l’activité des cellules du système immunitaire.
Une carence en vitamine D entraîne un faible taux de calcium dans le sang que l’organisme cherche à compenser en produisant plus d’hormone parathyroïdienne pour mobiliser le stock de calcium de l'os.
A mesure que la concentration d’hormone parathyroïdienne s’élève (hyperparathyroïdie secondaire), le calcium est extrait des os pour augmenter sa concentration dans le sang, mais l’hormone parathyroïdienne provoque également une élimination plus importante du phosphate dans les urines. Comme le calcium et le phosphate sont deux minéraux indispensables à la bonne santé osseuse, la conséquence est que les os sont fragilisés.
L’ostéomalacie est un défaut de minéralisation du squelette, ce qui la différencie de l’ostéoporose où la trame osseuse est raréfiée, mais avec une minéralisation normale.
On distingue différentes formes d’ostéomalacies : il y a bien sûr les ostéomalacies de l’adulte et celles de l’enfant (rachitisme ostéomalacique) et chacune de ces formes peut répondre à différentes causes.
L’ostéomalacie carentielle, relativement fréquente, est due à une insuffisance de production de vitamine D par la peau (par défaut d’exposition au soleil et/ou peau foncée), en particulier sous nos latitudes peu ensoleillées et/ou à des défauts d’apports dans l’alimentation.
L’ostéomalacie peut être secondaire à une absorption intestinale insuffisante de la vitamine D qui peut être une conséquence d’une maladie de l’intestin (maladie cœliaque ou maladie inflammatoire chronique de l’intestin type iléite de la maladie de Crohn avec diarrhée chronique), après une gastrectomie (chirurgie bariatrique), en cas d’insuffisance hépatique et/ou pancréatique (pancréatite chronique).
A part on trouve les carences en vitamine D secondaires à un traitement antiépileptique (qui sont inducteurs enzymatiques et accélèrent sa destruction dans le foie) et en cas d’augmentation des besoins (croissance et femme enceinte).
Il peut s’agir d’une ostéomalacie hypophosphatémique (qui n'est pas causée par un manque de vitamine, mais par une insuffisance de phosphore dans le sang (hypophosphatémie, généralement due à un dysfonctionnement du rein (tubulopathie) qui laisse fuir le phosphore de l'organisme dans les urines, parfois en raison d'une tumeur bénigne ou maligne (mais hypophosphatémiante et nécessitant une exérèse chirurgicale de la tumeur).
Plus rare, l’ostéomalacie vitamino-résistante familiale, qui est due à une anomalie génétique bloquant la transformation de la vitamine D en sa forme active ou à un défaut du rein ne lui permettant pas de normalement retenir le phosphore (ostéomalacie hypophosphatémique).
Malgré sa relative rareté, l'ostéomalacie doit faire partie des diagnostics à évoquer devant un syndrome douloureux diffus mal étiqueté chez l’adulte.
Chez l’adulte, les manifestations cliniques d’un déficit en vitamine D sont essentiellement musculaires et squelettiques. Les symptômes les plus fréquents (mais peu spécifiques) sont des douleurs osseuses prédominant au bassin, avec douleurs pelviennes ou crurales antérieures, mais aussi des douleurs de la colonne dorsale et des jambes. Ces douleurs sont permanentes ou réveillées par les mouvements. Les régions atteintes sont douloureuses au toucher et des fractures peuvent se produire. Il peut s’y associer une fatigue musculaire des muscles proximaux, voire un véritable déficit musculaire.
L’adulte fortement touché ou diagnostiqué tardivement peut avoir de véritables troubles de la marche avec une démarche dandinante (« en canard » ou « de pingouin ») liée à l'atteinte musculaire des ceintures musculaires (muscles du bassin et du haut des cuisses). Parfois la colonne vertébrale s'arrondit (cyphose) et la taille du malade peut diminuer de plus de 10 cm, en raison de multiples fractures-tassements des vertèbres dorsales et lombaires.
Chez les personnes âgées, la faiblesse musculaire est également fréquente et on observe surtout des fractures osseuses, particulièrement les fractures de la hanche, qui peuvent apparaître à la suite d’une simple chute de sa hauteur, voire provoquer la fracture.
Chez l’enfant, la carence en vitamine D est responsable de rachitisme avec déformations osseuses du crâne, du thorax (en cloche avec sternum en carène) et des membres (avec valgus ou varus prononcés des genoux). Il existe également des troubles de la marche du fait d’une faiblesse musculaire proximale. Les os du bassin peuvent s’aplatir, ce qui diminue le canal pelvien chez les adolescentes.
Chez les nouveaux-nés, les spasmes (« crises de tétanie ») peuvent être les premiers symptômes de rachitisme. Si une femme enceinte souffre d’une carence en vitamine D, son nouveau-né peut avoir des spasmes ou contractures musculaires. Les spasmes peuvent toucher le visage, les mains et les pieds. Si les spasmes sont sévères, ils peuvent provoquer des convulsions.
Chez les nourrissons, des crampes musculaires sont présentes et les nourrissons peuvent avoir des difficultés à s’asseoir et à marcher à quatre pattes et les espaces entre les os crâniens (fontanelles) se ferment plus lentement.
Chez les enfants âgés de 1 à 4 ans, la croissance osseuse peut être perturbée, avec un retard de croissance et des déformations de la colonne vertébrale (scoliose) et des jambes (varus ou valgus des genoux). Ces enfants peuvent également mettre plus de temps à marcher que les autres enfants du même âge.
À un stade très avancé, l'ostéomalacie de l’adulte provoque des fractures spontanées, avec la présence fréquente de petites fissures sur les os en rapport avec des douleurs : les os les plus atteints sont le bassin, les vertèbres et la partie proximale des fémurs.
L’ostéomalacie profonde chez les enfants peut provoquer des troubles de la croissance et des crises de tétanie, voire des convulsions.