"L’effet placebo" pourrait bientôt remplacer les médicaments contre la douleur, du moins chez certaines personnes. Des scientifiques ont démontré qu'ils pouvaient prédire de façon fiable quels patients souffrant de douleurs chroniques allaient répondre à une pilule placebo de sucre en fonction de leur anatomie cérébrale et de leurs caractéristiques psychologiques.
"Il est préférable de donner à quelqu'un un médicament non actif plutôt qu'un médicament actif", explique dans Nature Communications A. Vania Apkarian, professeur de physiologie (Université Northwestern) et directeur de la recherche. "La plupart des traitements pharmacologiques ont des effets indésirables à long terme ou développent des dépendances", poursuit-il.
Maux de dos chroniques
Dans cette expérience, 60 patients souffrant de maux de dos chroniques ont été répartis au hasard dans deux groupes. Les premiers ont pris un médicament contre la douleur ou le placebo, tandis que les autres n’ont pris aucun traitement. Le type de douleur ressentie et la personnalité de chaque participant ont été évalués via des questionnaires. Tous ont également suivi quatre séances de neuroimagerie.
Les personnes dont la douleur a diminué suite à la pilule de sucre avaient une anatomie cérébrale et des traits psychologiques similaires. D’abord, le côté droit de leur "cerveau émotionnel" était plus grand que le côté gauche. Ensuite, elles avaient une plus grande zone sensorielle corticale. Enfin, d’un point de vue psychologique, elles étaient plus conscientes de leurs émotions, sensibles aux situations douloureuses et soucieuses de leur environnement.
"Un nouveau champ"
"Cela ouvre un nouveau champ. Les cliniciens qui traitent des patients souffrant de douleur chronique devraient sérieusement considérer le fait que certains obtiendront une aussi bonne réponse à une pilule de sucre qu’à n'importe quel autre médicament", conclut A. Vania Apkarian, apportant de quoi alimenter l'actuel débat français sur l'homéopathie. Les chercheurs précisent que dans les cas où le placebo va être efficace, le médecin n’a pas besoin de le cacher au patient.
Les maux de dos, les maux de tête et autres douleurs chroniques affectent déjà un tiers des Américains, une proportion qui s’aggrave à mesure que la prévalence du diabète, de l'obésité et de l'arthrite augmente. En France, au moins 12 millions de personnes souffrent de douleurs chroniques, et "70% de ces 12 millions de patients ne reçoivent pas un traitement approprié", dénonçaient l’année dernière les spécialistes réunis au sein de la Société française d'étude et de traitement de la douleur (SFETD). Autrement dit, 8,4 millions de Français pourraient moins souffrir s'ils étaient mieux pris en charge.
Rappelons aussi que si de puissants analgésiques opioïdes sont massivement utilisés pour traiter les douleurs chroniques aux Etats-Unis depuis les années 90, un nombre croissant de décès par surdose liés à cette médication a incité les médecins et les décideurs américains à réexaminer cette approche.