Aujourd’hui en France, entre 8000 et 15 000 personnes seraient amputées du membre supérieur. Si on ignore le chiffre exact des patients à qui il ne manque que la main, on sait qu’un quart des amputés du membres supérieurs n’utilisent pas de prothèses. Car ces dernières sont souvent désagréables, encombrantes ou trop mécaniques. Une nouvelle avancée scientifique pourrait toutefois changer la donne. En effet, des chercheurs de l’Université de Harvard viennent de mettre au point un gant électronique pouvant être porté au-dessus d’une main prothétique pour procurer au patient des sensations similaires à celle qu’il aurait éprouvé s’il avait encore son membre. Leur bijou de technologie a été présenté dans un article paru le 30 dans la revue NPG Asia Materials.
"La main humaine est l'une des parties les plus importantes du corps et sert d'instrument physique polyvalent pour les activités quotidiennes et sociales. Toute défiguration de ce puissant instrument physique peut affecter la qualité de vie d'une personne en raison d'une dextérité manuelle réduite, d'une réception sensorielle et d'une apparence non naturelle", expliquent les chercheurs en préambule du papier.
Perception sensorielle
C’est pourquoi, ils ont voulu créer un gant capable de procurer une douceur, une chaleur, une apparence et une perception sensorielle semblables à celle du membre humain. Cette technologie peut donc détecter la pression, la température ou encore l’hydratation.
Pour accomplir cette prouesse, le Professeur Chi Hwan Lee de l’Université de Purdue (Indiana, Etats-Unis) ainsi que des chercheurs des Universités de Géorgie et du Texas, ont ajouté des capteurs électroniques minces et flexibles et des puces de circuit miniaturisées à base de silicium sur un gant en nitrile disponible en magasins. Ils ont ensuite relié l’appareil à une montre-bracelet spécifiquement conçue pour afficher les données sensorielles en temps réel et les transmettre à distance à l’utilisateur pour un traitement ultérieur.
Douceur, chaleur et apparence réalistes
"Nous avons mis au point un concept novateur de gant électronique souple, instrumenté par capteur, construit sur un gant en nitrile du commerce, qui s'adapte parfaitement aux formes arbitraires de la main", se félicite Lee. "Le gant électronique est configuré avec une forme extensible de capteurs multimodaux pour collecter diverses informations telles que la pression, la température, l'humidité et les biosignaux électrophysiologiques, tout en offrant simultanément une douceur, une apparence et même une chaleur réalistes de la main humaine", poursuit-il.
Les chercheurs ont fait breveter leur technologie et sont actuellement à la recherche de partenaires pour collaborer à des essais cliniques afin de pouvoir continuer à optimiser le gant. Ils sont également en quête d’experts dans le domaine de la protéthique afin de valider l’utilisation de leur appareil. "Mon groupe se consacre au développement de divers dispositifs biomédicaux portables, et mon but ultime est de faire sortir ces technologies du laboratoire et d'aider de nombreuses personnes dans le besoin. Cette recherche représente mes efforts continus dans ce contexte", explique Lee.
Abordable pour les utilisateurs
A terme, fabriquer ce gant en grands volumes sera rentable, assure les chercheurs. Cela en ferait donc une option abordable pour les utilisateurs, contrairement à d’autres technologies émergentes ayant recours à l’intelligence artificielle, complètement hors de prix. Le gant sera disponible en différentes couleur de peau, avec des empreintes digitales réalistes et des ongles artificiels, afin d’aider la personne amputée à se sentir plus à l’aise dans des contextes sociaux où elle doit par exemple serrer la main. "L'utilisateur final potentiel pourrait être n'importe quel utilisateur de prothèses qui ne se sentait pas à l'aise de porter des prothèses actuelles, en particulier dans de nombreux contextes sociaux", conclut Lee.
D’autres technologies en route
De nombreux chercheurs travaillent à mettre au point des outils pour améliorer le quotidien des personnes amputées. Au mois de novembre dernier, des chercheurs français ont annoncé avoir fabriqué, grâce à l’intelligence artificielle justement, un prototype de prothèse de bras capable de détecter les mouvements du membre fantôme. Le concept veut que le patient bouge son membre amputé et que la prothèse détecte le mouvement pour le reproduire.
"Les modifications du cerveau en réponse à l’amputation font l’objet d’études depuis des années chez les patients signalant la douleur du membre fantôme. Cependant, nos résultats montrent qu’il existe un déséquilibre fonctionnel même en l’absence de douleur, chez les patients ne signalant que des sensations fantômes", expliquent les scientifiques, précisant que des recherches supplémentaires sur le sujet étaient nécessaires.
Au même moment, des chercheurs suédois ont mis au point une prothèse capable de restaurer les mouvements complexes du poignet. Car à l’heure actuelle, les prothèses conventionnelles permettent rarement d’attraper un objet, de le faire pivoter à 180° pour le retourner, puis de le reposer. La nouvelle articulation fonctionne grâce à un implant ostéo-intégré chirurgicalement dans chacun des deux os de l’avant-bras, le cubitus et le radius. Une articulation artificielle en forme de poignet fait ensuite office d'interface entre ces deux implants et la main prothétique. Ainsi assemblé, ce dispositif permet des mouvements beaucoup plus naturels, avec un contrôle intuitif et un retour sensoriel, assurent les chercheurs.
Voir ci-dessous une vidéo explicative du gant électronique :