Le cancer de la prostate est le plus diagnostiqué chez les hommes dans le monde. Ces dernières années, le grand public en a beaucoup entendu parler grâce à la fondation Movember Foundation Charity. Chaque mois de novembre, cette association invite les hommes à se laisser pousser la moustache aux quatre coins de la planète pour sensibiliser l’opinion publique et lever des fonds dans la recherche sur les cancers masculins. Qu’est-ce que le cancer de la prostate ? Qui touche-t-il ? Comment le dépistage fonctionne-t-il? Quels traitements sont proposés et où en est la recherche ? A l’occasion de la huitième édition de Movember et avec l’aide d’un spécialiste, Pourquoi Docteur fait le point sur ce mal qui touche 50 000 nouvelles personnes chaque année en France.
Il existe différentes formes de cancers de la prostate
La prostate est une glande située juste en dessous de la vessie, en face des intestins. Elle produit un fluide qui protège et enrichit le sperme. Le cancer survient quand certaines des cellules prostatiques se reproduisent plus rapidement que d’habitude. “Cette maladie touche l’homme dans la deuxième partie de sa vie, à partir de la cinquantaine. Pour 50 000 nouveaux cas chaque année, il y environ 8 000 décès tous les ans. Ainsi, il y a plus de survivants que de morts, explique Karim Fizazi, oncologue médical spécialiste de la prise en charge du cancer de la prostate, professeur d’université et chef de service à l’institut Gustave Roussy, à Pourquoi Docteur. Quand on le diagnostic, ce cancer est le plus souvent localisé à la prostate et donc guérissable. On proposera alors soit la radiothérapie, soit la curiethérapie ou éventuellement, une ablation de la prostate”, précise-t-il.
Toutefois, si elles ne sont pas traitées à temps, les cellules cancéreuses peuvent se propager de la prostate à d’autres parties éloignées du corps, notamment aux ganglions lymphatiques et aux os. Cela peut provoquer des tumeurs secondaires. On parle alors de métastases.
Quel dépistage et pour qui ?
Certains hommes percevront des changements dans leur fonction urinaire ou sexuelle. Les symptômes pourront se manifester par un besoin fréquent d’uriner, surtout la nuit, une urination qui brûle, une éjaculation douloureuse, une érection difficile ou encore une raideur fréquente dans le bas du dos, dans les hanches ou le haut des cuisses. Mais, malheureusement, la plupart du temps, le cancer se développe sans que le malade ne ressente rien. D’où l’importance du dépistage.
“Plusieurs techniques existent, détaille Karim Fizazi. Il y a le toucher rectal (le médecin introduit un doigt dans l'anus, où il peut sentir une partie de la surface de la prostate, NDLR) mais cette technique ne permet pas dépister les petits cancers : il faut qu’un cancer soit significatif pour qu’il soit palpable. L’autre test dans lequel on avait mis beaucoup d’espoir il y a 20 ans est le dosage du PSA (Prostate Specific Antigen. Il s’agit d’une protéine naturellement produite par la prostate. Si on la retrouve essentiellement dans le sperme, une partie passe dans le sang, NDLR). Chez un homme atteint d’un cancer de la prostate, les taux de PSA évoluent avec la maladie et cela nous permet de savoir si les choses sont en train de s’améliorer ou non. Le problème, c’est que cette méthode identifie beaucoup de cancers bénins. On est donc amené à traiter beaucoup de petits cancers qui n’auraient jamais fait parler d’eux et on rend beaucoup de patients malheureux avec les effets secondaires du traitement. En revanche, on rate régulièrement les cancers les plus méchants. Aussi, à l’heure actuelle, aucun ministère de la santé au monde ne recommande les dépistages du cancer de la prostate par le PSA parce que l’on considère que l’efficacité de ce dépistage n’est pas suffisante pour le justifier”, indique le spécialiste.
A terme, “il est possible qu’on fasse un dosage unique du PSA vers la cinquantaine. Cela permettrait de séparer la population en deux. Ainsi, ceux qui ont un taux bas n’auront probablement pas du tout besoin de poursuivre le dépistage tandis que ceux ont un taux un peu élevé par rapport à leur âge pourraient davantage bénéficier d’un dépistage suivi. Cela permettrait de n’ennuyer que les hommes vraiment à risque.”
De quelles populations parle-t-on ? “On sait que les hommes de peau noire ont un risque plus élevé que les autres. Il y a aussi un risque génétique : les hommes qui ont des mutations constitutionnelles des gènes BRCA2, plus rarement BRCA1, sont susceptibles de développer des cancers de la prostate. On pourrait donc leur proposer de se faire dépister”, ajoute Karim Fizazi. En effet, un homme dont le père ou le frère a développé un cancer de la prostate a deux fois plus de probabilités d’en être atteint un jour.
Quels sont les traitements possibles ?
“Quand le cancer est bénin, on propose une surveillance active. On ne traite pas le cancer, on se contente de le surveiller car on sait que la probabilité qu’il induise un décès est à peu près nulle, on évite ainsi les effets secondaires du traitement aux patients. Dans les formes les plus avancées, en revanche, on utilise différents traitements généraux, de l’hormonothérapie traditionnelle et de nouvelle génération, des chimiothérapies ou encore des traitements ciblant les os. Car quand la maladie est sortie de la prostate et qu’elle touche d’autres organes, les os en pâtissent en premier”, indique Karim Fizazi.
Quels sont les possibles effets secondaires après une ablation de la prostate ?
“Au-delà des risques opératoires, courant à n'importe quelle procédure chirurgicale, ici, les risques concernent l’impuissance sexuelle et l’incontinence urinaire”, déclare l’oncologue. Le premier est très important. “En effet, au moins un homme sur deux n’aura plus d’érection après l’intervention”. Quant au second, il est également loin d’être anodin. “Quinze pour cent des patients ont une vraie incontinence urinaire majeure et ne peuvent pas du tout retenir leurs urines. L’ablation de la prostate n’est pas une intervention anodine. Il y a beaucoup d’alternatives à cette intervention qui ont été beaucoup trop utilisées dans notre pays sachant que l’on peut arriver aux mêmes résultats sur le taux de guérison par la radiothérapie ou la curiethérapie”, insiste le médecin.
Où en est la recherche ?
“La recherche a été boostée ces dix dernières années, c’était une très jolie décennie, surtout en ce qui concerne les formes les plus avancées de la maladie. On a vraiment pu allonger l’espérance de vie des patients les plus atteints”, s’enthousiasme Karim Fizazi.
“Des années 1940 jusqu’aux années 2000-2004, on disposait uniquement de l’hormonothérapie traditionnelle, qui consistait à éviter la fabrication de testostérone par les testicules. Autrefois, on enlevait les testicules des malades. Aujourd’hui, on utilise des médicaments mais le but est exactement le même. Puis à partir de 2004, une première chimiothérapie est arrivée, le Docétaxel, qui a permis d’améliorer la survie des hommes qui ne répondait pas à l’hormonothérapie traditionnelle. Puis, de 2004 à 2010, il ne s’est pas passé grand-chose. Ensuite sont arrivées plusieurs hormonothérapies de nouvelle génération qui sont efficaces quand l’hormonothérapie traditionnelle ne l’est plus. On vient même de s’apercevoir que cela fonctionne encore mieux quand on les utilise en même temps que l’hormonothérapie traditionnelle. Une autre chimiothérapie est également apparue ainsi que deux ou trois traitements ciblant les os, dont deux permettant d’éviter les complications liées aux métastases comme les fractures, la douleur ou le risque de se retrouver paralysé”, précise-t-il.
Enfin, “il y a un mois, on a obtenu les tous premiers résultats de traitements ciblés. Chez les 15 ou 20% des patients où une cible particulière est présente dans le cancer, les médicaments inhibiteurs de PARP sont efficaces et viennent compléter notre arsenal thérapeutique”, poursuit-il, plein d’optimisme. “C’est le cancer pour lequel on a eu le plus de bonnes nouvelles au cours des dix dernières années et cela devrait continuer l’an prochain.”
L’importance des associations de patients
Ces dernières années, le mouvement Movember a pris de plus en plus d’ampleur, notamment grâce aux réseaux sociaux, et la Fondation aurait récolté environ 465 millions d'euros depuis sa création en 2003. Sur son site, elle se félicite d’avoir “financé plus de 1250 projets autour de la santé des hommes dans le monde, remettant en cause le statu quo, bouleversant les recherches sur ce sujet et transformant la façon dont les services de santé atteignent et soutiennent les hommes.”
“J’ai vu naître le mouvement à partir de deux copains australiens qui se sont dits au fond d’un bar qu’il fallait faire quelque chose pour la santé des hommes, et ils ont eu cette idée de se faire pousser la moustache au mois de novembre. Tout le monde te demande pourquoi tu la portes et tu expliques que c’est en solidarité pour les hommes atteints d’un cancer masculin. Cela permet de récolter des fonds pour la recherche”, explique Karim Fizazi qui exhibe donc cet attribut capillaire chaque mois de novembre. Selon lui, Movember a permis de “lever le tabou sur la santé des hommes”. “Ils en parlent plus facilement, viennent consulter plus tôt, plus vite et parlent plus ouvertement de leurs problèmes de sexualité”, se réjouit le spécialiste.
Mais il n’y a pas que Movember. “De plus en plus d’associations de patients existent. Grâce à l’association Cerhom, par exemple, si vous venez d’apprendre que vous avez un cancer, vous allez pouvoir téléphoner à quelqu’un qui a eu la même chose que vous il y a quelques années. Il vous dira comment ça s’est passé pour lui. Evidemment, ça aide”. Qui plus est, cette association met en relation les patients atteints de cancer des testicules, “premier cancer de l’homme jeune” et ceux atteints d’un cancer de la prostate, “premier cancer de l’homme de 60 ans”. “Cela permet donc à deux générations de se retrouver dans un combat commun et de véhiculer de l’information médicale. Cela rend les patients solidaires”, se félicite Karim Fizazi.
Et le spécialiste de conclure : “Si vous êtes atteint d’un cancer de la prostate, renseignez-vous ! Posez-vous des questions avant de décider d’un traitement. N'hésitez pas à rejoindre ou à consulter les associations de patients. Après quoi, vous serez plus informé, plus à l’aise avec votre décision et avec la façon dont vous allez vivre votre maladie et votre traitement. Quel que soit leur choix, c’est important que les malades s’emparent du sujet eux-mêmes et que ce ne soit pas la décision du premier médecin qu’ils voient.”
Découvrez le dernier spot de prévention réalisé par Movember et Cerhom sur le cancer de la prostate.