"C’est l’une des plus grandes menaces pour la santé que nous ayons identifiées."
Voici comment Peter Beyer, du Département des Médicaments essentiels de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a qualifié la résistance antibiotique de plus en plus importante de la part des bactéries lors d’un point presse organisé à Genève, en Suisse. "Nous voyons que cela se propage et nous sommes à court d’antibiotiques efficaces contre ces bactéries résistantes", a-t-il encore ajouté.
Dans un communiqué daté de vendredi 17 janvier, l’agence sanitaire rattachée à l’ONU a alerté sur l’aggravation de l’antibiorésistance de nombreuses bactéries pathogènes. Selon une étude publiée en novembre 2018 dans la revue The Lancet Infectious Diseases, 33 000 personnes sont ainsi décédées mortes au sein de l’Union européenne en 2015 faute d’avoir reçu un traitement antibiotique efficace contre des bactéries qui ont développé des résistances.
Il est donc primordial de développer de nouveaux antibiotiques. "De nombreuses initiatives sont en cours pour réduire la résistance, mais nous avons aussi besoin que les pays et l'industrie pharmaceutique s'impliquent davantage et apportent des fonds durables et de nouveaux médicaments innovants", a ainsi expliqué le directeur de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
La sur-prescription d’antibiotiques responsable
Découverts dans les années 1920, les antibiotiques ont depuis sauvé des dizaines de millions de vie en permettant de contrer des maladies bactériologiques telles que la pneumonie, la tuberculose ou encore la méningite. Mais la sur-prescription d’antibiotiques, notamment en cas d’infections courantes d’origine virale, ainsi ont poussé les bactéries résister aux médicaments. Elles développement aussi des résistances lorsque les patients ne terminent pas leur traitement : en survivant, elles développent une immunité.
En 2015 sur le total des 670 000 infections par bactéries multirésistantes, près de 75% ont été contractées en milieu hospitalier. La surconsommation d'antibiotiques est un des principaux facteurs d'apparition de gènes résistants chez les bactéries pathogènes. Ces gènes peuvent apparaître par mutation en présence de l’antibiotique, mais surtout par échange de gènes avec d'autres bactéries, y compris des bactéries normalement présentes naturellement dans l’organisme, et qui auraient développé ces résistances.
Pas de nouveaux médicaments efficaces avant dix ans
L’OMS a indiqué que pour contrer cette antibiorésistance, une soixantaine de nouveaux médicaments, dont 50 antibiotiques, étaient actuellement en cours de développement. Mais ils "apportent peut d’avantages par rapport aux traitements existants et seulement deux ciblent les bactéries les plus résistances", c’est-à-dire les bactéries à Gram négatif.
L’agence sanitaire a fait aussi savoir que 252 médicaments plus novateurs étaient aussi au stade des essais précliniques mais que les plus efficaces d’entre eux ne sont pas disponibles avant une dizaine d’années.