- La peur et l'anxiété seraient liées, voire indissociables l'une de l'autre dans le cerveau.
- Si la communauté scientifique fait une distinction entre les deux, elle n'a pas lieu d'être car les deux émotions utilisent le même chemin neuronal.
L’anxiété et la peur sont les deux faces d’une même pièce dans le cerveau. Des chercheurs de l’université du Maryland (Etats-Unis) se sont livrés à une expérience afin de prouver que la peur et l’anxiété prenaient naissance au même endroit dans le cerveau et qu’elles activaient des réseaux neuronaux similaires. Les résultats de leur étude ont été publiés le 7 octobre 2020 dans The Journal of Neuroscience.
Aux Etats-Unis, les Centers of Disease Control and Prevention (CDC), l’équivalent outre-Atlantique de nos organismes de santé publique, estiment qu’un adulte américain sur trois et que 41% des 18-29 ans ont présenté des symptômes d’anxiété cette année.
Le même réseau neuronal activé
“La distinction conceptuelle entre ‘peur’ et ‘anxiété’ remonte à l'époque de Freud, si ce n'est aux philosophes grecs de l’Antiquité, indique Alexander Shackman, professeur de psychologie à l’université du Maryland. Ces dernières années, les psychologues cliniciens ont étendu cette distinction, arguant que la peur et l’anxiété sont orchestrées par des réseaux neuronaux distincts.”
Actuellement, la science soutient que la peur est contrôlée par l’amygdale, et qu’elle est une réaction à un danger, tandis que l’anxiété serait orchestrée par la strie terminale, une structure du cerveau située près du thalamus.
Les recherches que mène Alexander Shackman tendent à prouver que ce modèle est erroné. “En fait, la peur et l'anxiété semblent être construites dans le cerveau à l'aide d'un ensemble de blocs de construction neuronaux qui se chevauchent massivement”.
Pour en avoir le cœur net, Alexander Shackman et son équipe ont utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) pour quantifier l’activité neurone des participants à son expérience. Ces derniers avaient été informés qu’ils allaient recevoir un douloureux associé à une image et à un son désagréable. Le moment où la menace allait frapper était matérialisé par un petit compte à rebours (3,2,1…) ou par une suite de nombres aléatoires (7,29,16…). Dans les deux cas de figure, l’anticipation de la menace a activé un réseau similaire des régions cérébrales, dont l’amygdale et la strie terminale, à tel point que les deux sont statistiquement indissociables.
Redéfinir les critères de classification
Les résultats de cette expérience amènent les chercheurs à remettre en question les savoirs actuels, notamment ceux qui sont en vigueur aux Etats-Unis. C’est notamment le cas avec le Research Domain Critera (RDoC), une variante purement américaine du DSM (Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorders) utilisé pour classifier les troubles mentaux.
“Il est temps de mettre à jour le RDoC afin qu'il reflète l'état actuel de la science. Il ne s'agit pas seulement de notre étude ; en fait, toute une série d'études mécanistes sur les rongeurs et les singes, et de nouvelles méta-analyses de la littérature publiée sur l'imagerie humaine se regroupent autour d'une même leçon scientifique fondamentale : les menaces certaines et incertaines sont traitées par un réseau partagé de régions du cerveau, un noyau commun”, s’insurge Alexander Shackman.
“Les troubles anxieux représentent un fardeau considérable et croissant pour la santé publique et l'économie mondiales, souligne le psychologue. Bien que nous ayons fait d'énormes progrès scientifiques, les traitements existants sont loin d'être curatifs pour de nombreux patients. Notre espoir est que des recherches comme cette étude puissent aider à préparer le terrain pour de meilleurs modèles d'émotion et, en fin de compte, accélérer le développement de stratégies d'intervention plus efficaces pour les millions d'enfants et d'adultes dans le monde qui luttent contre l'anxiété et la dépression.”