- Le cerveau des nourrissons n'est pas capable de faire la différence entre des consonnes et des voyelles.
L’acquisition du langage est chose complexe. En fonction des pays du monde et des langues qui y sont parlées, tous les enfants n’apprennent pas la même chose. Prenons l’exemple du japonais par exemple, qui ne fait pas la distinction entre les sons “R” et “L’ comme dans “roc” ou “loque”. Ainsi, les bébés d'un an, par exemple, distinguent moins facilement les sons “roc” et “loque” lorsqu'ils vivent dans un environnement où l'on parle japonais plutôt que français. C’est ce dont se sont aperçus des chercheurs de l’université du Maryland (Etats-Unis). Les résultats de l’étude ont été publiés dans Proceedings of the National Academy of Sciences.
Des groupes de mots qui ne fonctionnent pas
Pour la communauté scientifique, ce phénomène d'apprentissage phonétique précoce des bébés repose sur le fait que ces derniers regroupent les sons en catégories phonétiques de type voyelle et consonne par un mécanisme connu sous le nom d'apprentissage distributionnel. Toutefois, les chercheurs de cette étude émettent des doutes sur ce mécanisme, ce qui les a poussés à tenter l’expérience.
“Les hypothèses sur ce qui est appris par les nourrissons ont traditionnellement guidé les chercheurs dans leurs tentatives de comprendre ce phénomène surprenant, explique Thomas Schatz, associé postdoctoral de l'Institut des études informatiques avancées de l'université du Maryland et auteur principal de l'étude. Nous proposons de partir d'hypothèses sur la façon dont les nourrissons pourraient apprendre.”
Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont introduit un cadre de modélisation quantitative qui se base sur une simulation à grande échelle du processus d'apprentissage du langage chez les nourrissons. Grâce à cette approche, qui fait appel à des techniques d'apprentissage machine (machine learning), permet de relier systématiquement les mécanismes d'apprentissage à des prédictions vérifiables concernant l'adaptation des nourrissons à leur langue maternelle.
Une méthode infructueuse
Pour ce faire, ils ont donc conçu un algorithme capable de simuler le processus d’apprentissage des nourrissons. Formé à l’anglais et au japonais grâce à des échantillons de voix, il a été possible de mieux comprendre le comment un enfant acquiert ses premières connaissances phonétiques. Une fois cela fait, deux questions restaient en suspens: pourraient-ils expliquer les différences observées dans la manière dont les nourrissons apprennent le japonais et l'anglais en discriminant les sons de la parole ? Surtout, les modèles discriminent-ils vraiment les catégories phonétiques des voyelles et des consonnes ?
Pour la première question, leurs modèles ont effectivement pris en compte le comportement observé des nourrissons, en particulier la difficulté des nourrissons japonais à distinguer certains mots à cause des sons trop proches (le “R” et le ”L” dans le cas présent). En revanche, contrairement à ce qui était pensé, il est impossible pour les machines (qui sont calquées sur le rythme d’apprentissage des enfants) de distinguer les voyelles des consonnes. Cela remet donc en question tous les savoirs pré-existants sur l’apprentissage phonétique précoce.