Vendredi 12 février, la Haute autorité de santé (HAS) a pour la première fois émis des recommandations pour la prise en charge des Covid long. En attendant, de nombreux patients souffrent de symptômes qui perdurent et d’une situation dont ils n’entrevoient parfois pas l’issue. C’est le cas pour Bianca Patrigani et son fils, Hadrien, 14 ans, dont les symptômes n’ont cessé de s’aggraver depuis sa contamination en mars 2020.
- Pourquoi Docteur – Quand est-ce que votre fils a attrapé le virus ?
Bianca Patrigani – Mon fils a attrapé la Covid à l’école en mars dernier, une semaine avant le premier confinement. Il a commencé par avoir une toux sèche avant de consulter un médecin qui, en l’absence de fièvre, ne lui a rien diagnostiqué. Il est retourné à l’école et son état s’est détérioré. Il a commencé à avoir des érythèmes sur les joues, des symptômes dermatologiques qui, je l’ai appris plus tard, sont en fait neurologiques. Il n’avait pas beaucoup de fièvre, environ 38. Le médecin lui a dit qu’il a attrapé la Covid mais il n’y a pas eu de prise en charge. Il tremblait et avait sans cesse envie de vomir sans y parvenir. Il n’arrivait plus à s’alimenter et il est resté un bon moment dans cet état. Il était aussi pris de forts maux de tête. Il a contaminé toute la famille et j’ai moi-même eu des symptômes assez forts. J’ai dû être prise en charge car je manquais d’air. J’étais à 92 de saturation. Mon fils était sous le choc à ce moment-là et il a mis deux mois avant de pouvoir ressortir. Il était très fatigué et dormait beaucoup.
- Son état s’est-il amélioré par la suite ?
En refaisant des efforts et en retournant à l’école, ses symptômes sont revenus, comme les érythèmes. C’est allé de pire en pire. Pour ma part j’ai également eu des symptômes comme des migraines et j’avais les mains qui tremblaient. À partir de septembre, ses symptômes se sont intensifiés. L’état de mon fils s’est dégradé avec le temps. Fin octobre, il n’allait plus à l’école que le jeudi et le vendredi. Il avait des maux de tête plusieurs fois par jour et faisait beaucoup de malaises. Il avait du mal à terminer ses phrases et sa mémoire immédiate avait disparu. Il était très bon à l'école et pourtant il a eu une interrogation à laquelle il était incapable de répondre, il a eu un trou noir.
- Était-il pris en charge ?
Tout a empiré et en novembre et c’est alors que j’ai pris rendez-vous avec une pédiatre spécialisée en virologie pour avoir l’avis d’une spécialiste qui connaît la deuxième phase des effets d’un virus sur le corps. Il a passé des examens qui ont révélé que ses anticorps se sont retournés contre lui. Son état a empiré et il n’a pas pu aller à l’école depuis le début de la nouvelle année. Aujourd’hui, il n’a pas d’aide et son état n'est pas reconnu par le rectorat. Cette deuxième phase de la maladie n’est pas prise en charge. Ceux qui en souffrent comme mon fils ne sont plus capables de travailler ou d’aller à l’école et se retrouvent seuls. Les gens qui souffrent de long Covid ne se sentent pas pris en compte.
- Comment se sent-il aujourd’hui ?
Il ne va pas mieux. Il a été hospitalisé à l’hôpital Necker sur la recommandation de la pédiatre. Un rhumatologue le suit aussi désormais. On avance à vue et c’est très compliqué. Nous attendons encore des résultats de plusieurs analyses mais j’ai l’impression que l’on tourne en rond. On est dans un entre-deux. Il souffre de quelque chose de suffisamment grave pour l’empêcher de mener sa vie normalement, d’aller à l’école mais qui ne l'est pas assez pour justifier une hospitalisation. Il prend des anti-inflammatoires pour ses maux de tête et fait des séances de kiné. On se sent un peu perdu.
- Quelles réponses attendez-vous ?
Ce que j’aurais voulu, c’est que la HAS donne des consignes aux médecins. Ils ont besoin d’outils. Elle s’est contentée de lister des symptômes dont on connaît l’existence depuis des mois. Il reste de nombreuses questions auxquelles elle n’a pas répondu. On a l’impression d’avoir 6 mois de retard.
Ne pas prendre en compte les Covid longs dans les décisions est une erreur. Le gouvernement se focalise sur les nouvelles entrées dans les hôpitaux et dans les services de réanimation mais ne voient pas les conséquences de l'épidémie à long terme. J’ai conscience que c’est difficile et que l’on manque de données mais, en attendant, on se retrouve dans le flou.