- L'analyse de la souche du virus indique une transmission entre humains, pouvant justifier la thèse selon laquelle le virus s'est caché pendant 5 ans dans le corps d'un survivant.
- En 2016, une étude a montré que le virus est capable de survivre 500 jours dans l’organisme avant de se transmettre de nouveau.
- Un autre chercheur juge possible qu’une chaîne de transmission interhumaine soit passée sous les radars pendant toutes ces années.
Depuis fin janvier, le virus Ebola a fait son retour en Guinée. Au moins 192 cas ont été identifiés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) au 15 février, date du dernier recensement. En recherchant la souche du virus responsable de cette résurgence épidémique, des scientifiques se sont rendus compte qu’elle est quasi identique à celle qui a frappé la région entre 2013 et 2016 et fait plus de 11 000 morts. Trois analyses indépendantes du génome du virus émettent l’hypothèse que le virus aurait en fait dormi pendant cinq ans dans le corps d’un survivant de l’épidémie précédente. Ces conclusions ont été rapportées le 12 mars dans la revue Science.
Un retour cinq ans après, du jamais vu
Une infirmière de 51 ans a été identifiée comme le "patient zéro" de cette résurgence épidémique. Elle a d’abord été diagnostiquée pour de la fièvre typhoïde puis pour le paludisme avant de décéder le 28 janvier dernier du virus Ebola. Le 1er février, son enterrement, où aucune mesure sanitaire n’a été respectée, semble être l’élément déclencheur de la transmission du virus. Des membres de sa famille, ainsi qu’un médecin qu’elle avait consulté, ont contracté des symptômes de la maladie tels que des diarrhées, des vomissements ou encore des saignements. Quatre ont depuis succombé et deux autres ont été placé en quarantaine.
En analysant la souche du virus responsable, nommée EBOV, les scientifiques ont conclu qu'elle appartient à la lignée Makona de l’espèce Zaïre, tout comme la souche de l'épidémie de 2013-2016. Cela signifie que le retour du virus est le résultat d’une contamination interhumaine. “Voir apparaître un nouveau foyer à partir d’une infection latente cinq ans après la fin d’une épidémie, c’est du jamais-vu et c’est effrayant, a écrit dans Science Éric Delaporte, spécialiste des maladies infectieuses à l’université de Montpellier et qui fait partie de l’une des trois équipes à avoir analysé le génome du virus circulant actuellement en Guinée. Les épidémies déclenchées par des survivants d’Ebola restent très rares mais elles posent un problème délicat : comment les prévenir sans stigmatiser ceux qui ont survécu à la maladie ?”
D’autres explications possibles
Pour expliquer ce retour du virus avec une souche quasi identique, les chercheurs émettent l’hypothèse que celui-ci serait resté latent dans le corps d’un survivant pendant au moins 5 ans avant qu’il ne contamine l’infirmière décédée fin janvier. Une précédente étude, parue en 2016 dans la revue Clinical Infectious Diseases, a en effet montré que le virus est capable de survivre 500 jours dans l’organisme avant de se transmettre de nouveau. Les chercheurs ont alors estimé que le virus se serait caché dans les testicules qui possèdent un privilège immun, c’est-à-dire qu’un agent pathogène peut s’y trouver sans que cela ne déclenche de réaction inflammatoire. Le même phénomène serait à l’œuvre mais, cette fois-ci, sur un temps beaucoup plus long.
Les recherches continuent et de nouvelles explications pourraient être mises en avant. Pour Dan Bausch, un chercheur qui travaille sur plusieurs épidémies de maladie à virus Ebola et qui a participé à l’étude parue dans Science, l’analyse génomique ne suffit pas pour conclure que le virus a dormi pendant 5 ans chez un survivant. Selon lui, il est possible qu’une chaîne de transmission interhumaine soit passée sous les radars pendant toutes ces années. “Comprendre ce qu’il s’est exactement passé est actuellement l’une des plus grandes questions”, a-t-il conclu.