- Bien qu'ayant montré son efficacité pour limiter les crises épileptiques chez les enfants, l'usage du cannabis thérapeutique chez ces petits patients suscite le débat.
- Dans un avis récemment publié, des chercheurs émettent des réserves sur l'efficacité de ce traitement alternatif et craignent que les enfants épileptiques soient utilisés comme "cheval de Troie" pour l'industrie du cannabis.
Touchant environ 700 000 personnes en France, l’épilepsie est le trouble neurologique le plus fréquent après la migraine. Les enfants ne sont pas épargnés. Chaque année, 4 000 d’entre eux de moins de 10 développent se trouble qui se caractérise par la survenue de crises soudaines et généralisées avec une perte de conscience et des secousses musculaires répétées, ou bien des absences et une rupture du contact.
Aujourd’hui, l’épilepsie est mieux comprise et contrôlée par des médicaments. L’un d’eux, Epidyolex, est notamment recommandé pour deux types d’épilepsie : les syndromes de Lennox-Gastaut et de Dravet, qui apparaissent dès la petite enfance. Bien qu’ayant reçu un avis favorable de la part des autorités sanitaires de plusieurs pays en 2018, y compris la Haute Autorité Sanitaire (HAS) en France, le National Health Service (NHS) en Grande-Bretagne et la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, l’Epidyolex suscite encore des interrogations. L’usage de cannabis thérapeutique est-il vraiment recommandé lorsqu’il est prescrit à des enfants ? Dans un avis publié dans la revue Developmental Medicine & Child Neurology, des chercheurs explorent la science derrière les produits médicinaux à base de cannabis dans les épilepsies pédiatriques et souligne les domaines qui méritent des recherches supplémentaires.
Les auteurs se sont notamment penchés sur le contexte de prescription de ces produits. Ils ont constaté que le manque de preuves de qualité en matière d'efficacité et de sécurité est le principal obstacle à la prescription.
Ils soulignent que les produits médicinaux à base de cannabis non autorisés ne devraient pas contourner les exigences réglementaires habituelles avant d'être prescrits et s'inquiètent également du fait que les enfants épileptiques risquent d'être utilisés comme "cheval de Troie" pour l'industrie du cannabis, l'acceptation généralisée du cannabis médicinal accélérant la légalisation plus large de la marijuana et ouvrant un marché commercial très lucratif.
Des études contradictoires
Ce n’est pas la première fois que l’usage du cannabis thérapeutique pour soulager les crises d’épilepsie fait débat. En 2018, les résultats d’un essai randomisé de phase 3 mené au sein du Massachusetts General Hospital et publiés dans The Lancet montraient que le cannabidiol, l’une des molécules du cannabis, associé aux traitements anti-épileptiques "classiques", permettait de réduire la fréquence des crises chez les patients atteints du syndrome de Lennox-Gastaut. Le groupe prenant cette combinaison de traitement avait vu le nombre de crise baissé de 43,9 %, contre 21,8 % pour le groupe prenant le placebo.
À l'inverse, au Canada, une recommandation de médecins, pharmaciens et infirmières, publiée en février 2018, met en garde contre le cannabis médical. D’après ce groupement de professionnels de la santé, les effets positifs du cannabis médical seraient compromis par les inconvénients de ces mêmes traitements. Selon eux, les cannabinoïdes médicaux seraient efficaces seulement chez certains malades et dans des cas très spécifiques.
Une autre étude, israélienne, a de son côté conclu que l’efficacité du cannabis thérapeutique chez les patients souffrant d’épilepsie est limité en raison du risque d’accoutumance.
Ci-dessous, l'émission Questions aux Experts sur le thème : "L'épilepsie, une maladie encore mal connue"