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QUESTION D'ACTU

Entretien

Méditation de pleine conscience : mais au fait, comment ça marche ?

Les bienfaits de la méditation de pleine conscience sont aujourd'hui très largement reconnus, mais comment la pratiquer concrètement ? La psychiatre Marine Colombel, enseignante en méditation et autrice de plusieurs ouvrages sur le sujet, dont La méditation anti-burn-out (2018, éd. Marabout), nous donne quelques clés.





Elle ralentit le vieillissement du cerveau, favorise le sommeil, réduit le stress et soulage même certaines douleurs chroniques : ce n’est plus à prouver, la méditation est un atout majeur pour la santé. A tel point qu’elle séduit de plus en plus de curieux. Selon un sondage YouGov publié fin 2020, année des confinements liés au Covid, plus d’un tiers des Français auraient commencé la pratique méditative durant la crise sanitaire, et une écrasante majorité d’entre eux auraient continué à la pratiquer régulièrement. Voici quelques conseils d’experte pour celles et ceux qui voudraient s’y mettre.

- Mieux Vivre Santé : D’où vient la méditation de pleine conscience ?

Dr Marine Colombel : C’est une pratique inspirée de traditions religieuses anciennes nées en Asie. Certains textes datant de 500 avant J-C mentionnaient déjà des pratiques méditatives. Différents courants sont apparus en fonction des disparités géographiques et des besoins des populations : en Inde, par exemple, il fait très chaud donc c’est une forme de méditation qui permet de rafraîchir, alors qu’au Tibet, où il fait très froid, c’est une méditation plus axée sur le réchauffement du corps. Ce n’est que dans les années 1970, avec les voyages de médecins en Asie, que la méditation s’est développée en Occident. Le premier à l’avoir enseignée à des patients, dans un champ thérapeutique, est le biologiste américain Jon Kabat-Zinn. Il a enlevé toute dimension et interprétation religieuses pour ne garder que la technique pure de la méditation, avec un protocole précis et un format d’apprentissage. La méditation devient laïque, scientifique, médicalisée, et donc plus universelle : c’est la méditation dite de pleine conscience.

- Comment la définir ?

Ce sont des exercices que l’on pratique pour élever son niveau de conscience. Au lieu de laisser son esprit partir dans des ruminations mentales (soit sur le passé quand on est dépressif, soit sur le futur quand on est anxieux), on ramène volontairement son attention sur son expérience de l’instant présent, sur ce qu’il se passe en soi à l’instant T. Cela peut être les sensations corporelles, la respiration, ce qu’on entend ou ce qu’on voit... Ce faisant, on élargit son état de conscience. Plutôt que d’être absorbé par des pensées automatiques, on observe les pensées de façon extérieure, en temps réel. On va donc être beaucoup plus ouvert, et ne plus discriminer telle pensée ou interpréter telle sensation comme bonne ou mauvaise. On sort du jugement et de l'interprétation pour revenir dans le réel.

- Comment ça marche concrètement ?

La méditation de pleine conscience peut se pratiquer seul ou en groupe. Dans un cadre hospitalier, elle peut être guidée par un médecin, un psychologue, une infirmière... D'une manière générale, quand on débute, c’est mieux d’être accompagné par des proches qui en ont déjà fait l'expérience, voire une application guidée ou des vidéos en ligne qui expliquent en détails la pratique. La posture est essentielle : il faut avoir le dos droit, c’est-à-dire être assis ou allongé sur un lit, de préférence sans oreiller et avec les bras et les jambes légèrement écartés. On peut même la pratiquer debout : la méditation Zhan Zhuang (« posture de l’arbre » en mandarin) consiste à se tenir le dos droit, les genoux un peu fléchis, les bras ramenés devant soi comme si on entourait un arbre – un exercice efficace qui va stimuler tout le système cardiovasculaire et renforcer les muscles profonds.

Une fois installé dans la bonne posture, on va ramener son attention sur le corps, par exemple via la respiration. Le principe est d'inspirer et expirer par le nez, la bouche fermée avec la langue qui se colle contre le palais, et surtout, ne pas imposer de rythme respiratoire : il faut laisser sa respiration filer naturellement, avec l’idée d’observer le souffle. La respiration n’est pas le seul moyen de ramener son attention sur le moment présent : on peut faire ce qu’on appelle un scan corporel, qui consiste à observer les sensations de notre organisme, en prenant soin de s’attarder sur chaque zone, des pieds à la tête.

- Vous avez également évoqué une méditation fondée sur les cinq sens...

Une des plus connues est la méditation du « grain de raisin ». Prenez un grain de raisin au creux de votre main (ou un abricot, ou du chocolat, peu importe, il faut que cela éveille les sens) et tentez de focaliser votre attention sur le toucher (les sensations sur la peau), puis sur l’odorat (qu'est-ce qu'on sent), sur l’ouïe (est-ce qu’on entend un bruit particulier), sur la vue (avec les yeux ouverts donc), et enfin sur le goût. L’objectif est d’apprendre à se focaliser sur quelque chose de précis, et les cinq sens sont un bon moyen d'apprendre le procédé.

- Combien de temps faut-il pratiquer la méditation ?

Pour apprendre à son cerveau à aller dans un état méditatif, il faut être régulier. Il n'est pas forcément nécessaire de méditer des heures, mais il faut le faire tous les jours. Mieux vaut donc commencer en méditant, par exemple, trois ou cinq minutes par jour tous les jours. Ensuite, on aura tendance à allonger son temps de méditation sans même s'en rendre, et les cinq minutes deviendront dix ou quinze minutes. Le but est que la méditation devienne une routine quotidienne, comme un lavage de dents ou un petit déjeuner. C’est la fréquence de la pratique qui va former notre cerveau à lâcher prise.

- Que se passe-t-il dans le cerveau lorsqu’on médite ?

En temps normal, on fonctionne sur le système neurologique sympathique, qui est autonome, qui gère les fonctions biologiques (rythmes cardiaque et respiratoire, température corporelle, sudation...) et qui s’enclenche dès que l’on est alerte ou que l'on se sent menacé – c’est ce qu’on appelle communément le stress. Quand on médite, le cerveau passe automatiquement en mode parasympathique : la respiration s’allonge, le rythme cardiaque ralentit, la digestion se remet en place, les muscles se décontractent... Le simple fait de sortir du mental et de mettre son attention sur sa respiration (ou un grain de raisin donc) va activer mécaniquement ce système parasympathique. Les résultats se font sentir sur le corps et l’esprit : cœur moins fatigué, pression artérielle moins forte, meilleure défense immunitaire, amélioration du sommeil, mais également moins d’angoisses et de ruminations mentales. Les bienfaits ont été prouvés scientifiquement, plusieurs études ont montré que les protocoles de méditation sont aussi efficaces qu’un antidépresseur pour éviter une rechute dépressive.

- Et pour quelqu’un qui ne serait pas particulièrement sujet à l’anxiété ou la dépression, quel est l'intérêt de la méditation de pleine conscience ?

C’est surtout au niveau émotionnel que la méditation joue, car cela empêche l’escalade. Si on se dispute avec quelqu’un, par exemple, on verra plus rapidement l’émotion arriver en nous (en l’occurrence la colère) et on pourra donc davantage l’anticiper et y mettre un « stop ». Au lieu de ressentir l’émotion seulement au moment où elle est la plus forte, on va la ressentir dès son apparition et on pourra donc adapter la situation pour être moins sujet à la colère, à la tristesse, à toutes les émotions qui nous submergeaient jusqu’ici. Si la dispute ne sert à rien, on va avoir le recul nécessaire pour décider ne pas engager de l’énergie inutilement. Et s’il faut se disputer (parce qu’on estime que cela en vaut la peine), alors on ira au combat – mais ce sera un choix, et non plus quelque chose de subi. Ce qui change tout !

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